Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/822

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propres avantages en leur montrant, de quel prix elles paient, — et font payer à la France, — des privilèges plus dangereux que profitables, et si, en même temps, les autorités veulent bien comme c’est leur devoir, poursuivre rigoureusement la fraude et s’opposer résolument (là est peut-être le plus difficile) aux influences officieuses qui s’entremettent trop souvent pour faire octroyer aux zoniens des faveurs additionnelles, on ne tardera pas à voir en zone le mouvement antizonien assez fort pour que la suppression du régime puisse s’opérer sans heurt ni pression. Ce jour-là, nous croyons, que la solution bâtarde du « double cordon » devra être écartée, mais que le retour au droit commun pourra être accompagné de quelques ménagemens temporaires et limités qui atténueront aux intérêts particuliers le trouble d’une transition trop brusque[1].

Du côté suisse, la suppression se heurtera-t-elle, le cas échéant, à des difficultés diplomatiques ? Point en ce qui touche la zone de 1860, l’hypothèse étant prévue par la Convention de 1881. En ce qui concerne la petite zone sarde, dont l’origine remonte, on le sait, aux traités de 1815, il y aurait lieu à négociation tant avec la Suisse, principale intéressée, qu’avec les puissances du Congrès de Vienne ; notre diplomatie ne se trouverait d’ailleurs pas ici en mauvaise posture pour négocier[2], s’il n’est jugé préférable, pour prévenir tout embarras, de maintenir hors du cordon douanier cette très étroite petite bande de territoire qui ne comprend qu’environ 140 kilomètres carrés, et dont la bordure ne serait guère plus étendue ni plus difficile à garder que la ligne frontière. Craindra-t-on enfin qu’à une suppression de la zone la Suisse veuille riposter par des tarifs de rigueur appliqués aux importations de la Savoie du Nord ? Nous rappellerons d’abord qu’une partie des franchises d’entrée

  1. Un des privilèges les plus chers aux zoniens étant la franchise des denrées coloniales, on pourrait, par exemple, leur réserver cette franchise, à titre transitoire et pour un temps donné, par le moyen de bons d’importation.
  2. L’établissement de la zone sarde en 1815 a eu pour contre-partie, nous l’avons dit, la libre importation des denrées de cette zone en Suisse. Du jour où la Confédération a imposé ces produits à l’entrée de son territoire, la liberté commerciale qui existait jusqu’alors entre la zone sarde et la Suisse étant détruite, l’institution de cette zone a perdu-son fondement juridique et son caractère d’obligation contractuelle ; elle est « sortie du droit public européen. » (Cf. Charousset, Les zones franches, Annecy, 1902, p. 167.) — Il est d’ailleurs à noter que l’article 11 de la Convention de 1881, qui prévoit le cas de la suppression de la zone de la Haute-Savoie, ne fait aucune distinction entre la zone sarde et la zone d’annexion.