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faveur. Sur ce point, elle ne se trompait pas. Dès que la nouvelle de son arrestation se l’ut répandue, ils entreprirent des démarches afin d’obtenir sa mise en liberté.

Au surplus, ce n’est pas contre elle que l’opinion se prononçait, mais contre le Régent. Dans la mesure inique dont elle était l’objet, tout le monde voyait une manifestation de la vieille rancune du prince contre une femme à laquelle il ne pardonnait pas d’avoir osé lui résister. Il y avait unanimité pour flétrir cet acte de basse vengeance. Personne ne sentait mieux que sa femme combien le sentiment public lui était hostile. Ce qu’elle pensait de sa conduite et la compassion que lui inspirait le malheur immérité de la demoiselle d’honneur, la décidèrent à aller plaider auprès de lui en faveur de cette infortunée. L’épouse si souvent outragée fit entendre des remontrances sévères et s’efforça de prouver à celui dont elle avait tant à se plaindre qu’il serait à jamais déconsidéré s’il laissait frapper une femme dont le crime consistait uniquement à n’avoir pas voulu se donner à lui. Le prince finit par céder à ses prières ou par feindre d’y céder et promit qu’il ne laisserait pas condamner Madeleine de Rudenschold. Il fit la même promesse à sa sœur, Sophie-Albertine, qui voulait aussi tirer de ce péril sa demoiselle d’honneur. Mais on verra bientôt qu’à la honte du Régent, ce double engagement ne fut pas tenu, et que, par faiblesse ou par désir de vengeance, le duc de Sudermanie laissa Reuterholm assouvir jusqu’au bout, sur la personne d’une innocente, la haine qu’il nourrissait contre Armfeldt.


II

L’ordre de partir pour Naples qu’avait reçu à Cènes le baron Palmquist porte la date du 5 décembre. Pour des causes qui nous échappent et dont Palmquist dut répondre ultérieurement devant un conseil de guerre, il ne l’exécuta qu’au commencement du mois de février 1694. Prévenu de ce qui se préparait, Armfeldt se tenait sur ses gardes, assuré que, s’il était attaqué, il serait défendu par les amies qui dès ce moment, à l’instigation de la reine Marie-Caroline, faisaient sentinelle autour de celui qu’elles appelaient « le cher petit, » bien qu’il fût grand et fort et qu’il eût trente-six ans. Cependant, ne voulant pas que sa femme restât exposée aux dangers contre lesquels il devait se