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antique, un caractère chrétien incontestable. La statuaire chrétienne est encore représentée par plusieurs effigies du Bon Pasteur, au Vatican ou au. Musée impérial Ottoman, analogues sans doute à celles dont Constantin avait, au témoignage d’Eusèbe, orné les places publiques de Constantinople. Le même empereur avait érigé une statue de bronze du Christ au-dessus de la porte de la Chalcé qui servait de vestibule au palais impérial de Byzance ; d’autres statues de la Vierge et de l’Enfant-Jésus avaient été placées par ses soins auprès de la Colonne de porphyre[1]. Il suffit enfin de considérer certains sarcophages romains ou artésiens pour comprendre que le modelage et le haut-relief ne sont pas entièrement étrangers à l’art chrétien : les personnages sculptés sur leurs panneaux se détachent parfois aux trois quarts du fond auquel ils sont adossés. La tradition de la sculpture religieuse parait même s’être conservée à Rome assez longtemps et la chronique ; officielle des papes mentionne au VIIIe et jusqu’au IXe siècle l’érection dans les basiliques romaines de statues d’argent doré dédiées au Rédempteur et à la Vierge[2]. Bien que ces œuvres « ornées de pierres précieuses, » et sans doute de petites dimensions, relèvent autant de l’orfèvrerie que de la sculpture, elles n’en sont pas moins une survivance de la statuaire.

De même la tradition des effigies impériales élevées sur les places publiques, soit au sommet de colonnes triomphales, soit sous la forme de statues équestres, s’est perpétuée à Constantinople et à Rome jusqu’au IXe siècle. L’auteur anonyme d’un guide de Constantinople, qui écrivait à la fin du Xe siècle, nous a laissé l’énumération de toutes ces œuvres : les dernières qu’il mentionne sont celles de l’impératrice Irène et de son fils Constantin VI[3]. Les cochers vainqueurs aux luttes de l’Hippodrome conservèrent même, selon un usage fort ancien, comme en témoigne l’Aurige de Delphes, le privilège d’avoir leurs statues. Enfin nous savons par un grand nombre de sources que les places et les rues de Byzance avaient été transformées par les empereurs en un véritable musée où étaient venues s’accumuler toutes les merveilles arrachées aux temples païens, le Jupiter de Dodone, le colosse d’Apollon dû à Phidias, le groupe

  1. Banduri, Imperium orientale, I, p. 9, 60.
  2. Liber Pontificalis, éd. Duchesne, I, p. 418, 46 ; II, p. 144.
  3. Banduri, I, 8.