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avant l’arrivée des produits dont ils ont recueilli les échantillons sur place, lui province, les difficultés M vaincre pour prendre les délinquans sur le lait sont moindres, mais on ne dispose pas d’agens aussi débrouillés.

Malgré tout le zèle et la bonne volonté des commissaires préleveurs et la célérité des chimistes du laboratoire, un lait risquerait fort de s’altérer, même en flacon cacheté et de fournir à l’analyse des résultats suspects, si, au moment précis de la prise d’échantillon, on ne l’additionnait pas d’une pastille de bichromate de potasse, puissant microbicide qui permet au lait de se conserver pendant plusieurs semaines. Au surplus, en usant de procédés bien choisis, l’opérateur peut parfaitement reconnaître si un lait, même aigri, a été primitivement baptisé.

En somme, les fraudes sur le lait se ramenant toujours à deux procédés, toujours les mêmes et identiques au fond, l’écrémage et le mouillage, voyons comment on procède pour les démasquer. On a songé par exemple à mettre en usage des tours de main permettant à un non-chimiste de s’apercevoir de la pauvreté du liquide. On peut observer la densité du lait au moyen du lacto-densimètre, sorte d’aréomètre spécial, mais comme, en pareil cas, on n’a que faire d’une donnée théorique, il est plus pratique de se servir d’un flotteur approprié qu’on immerge dans le lait suspect. Surnage-t-il, le lait est présumé pur ; s’enfonce-t-il, le lait est presque certainement mouillé, d’où forte présomption de fraude. Or le lait est un fluide à base d’eau, allégée par de la matière grasse (crème ou beurre), mais alourdie par de la caséine et du sucre, substances toutes les deux plus denses que l’eau. L’écrémage, naturellement, appesantit le lait par départ du beurre et le mouillage, en le diluant, l’allège, et il peut y avoir compensation. Donc un lait dont la densité est médiocre est, ou pur, ou très altéré, tandis qu’un lait dense constitue une marchandise moyenne, tout au plus un peu écrémée. Mais dans la première hypothèse, un simple connaisseur se prononcera très bien, par dégustation, entre les deux alternatives ; on se fondera sur l’opacité, méthode connue et pratiquée depuis longtemps. Effectivement, le lait n’intercepte la lumière qu’à cause de la multiplicité des globules gras interposés ; bien écrémé, il devient presque transparent, et en le diluant progressivement avec une quantité croissante d’eau, on