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— Ah bien ! par exemple, tu m’as fait peur, Étienne. Est-ce que tu nous écoutais ?

Gabriel était entré à son tour et interrogeait sa femme des yeux. Mais la tante Anna était remontée. Personne n’aurait pu l’arrêter. Elle reprit son récit :

— Je ne sais pas ce qu’il y a de vrai là dedans, mais Artémise, la fille à Biard, le cafetier, a demandé à me parler après déjeuner et, c’est tout de même trop fort, je ne peux encore le croire, elle dit qu’elle est la bonne amie de Maxime. « Ah ! par exemple, que je lui ai dit, tu m’étonnes… » Alors, elle s’est mise à pleurer…

— Oui, ma tante, interrompit Étienne, vous l’avez déjà dit. Mais vous parliez de Marthe…

— De Marthe… oui… mais attends. Artémise avait, à ce qu’elle dit, rendez-vous avec Maxime, hier soir, dans mon potager et elle l’attendait sur le chemin, lorsque tout à coup, ah ! par exemple, c’est trop fort, elle a vu, à ce qu’elle dit, notre Maxime avec Marthe Bourin à son bras. « Laissez-moi, monsieur Maxime, disait Marthe. — Non, non, je veux vous reconduire jusque chez vous. » Artémise les a suivis par jalousie et, à un moment, ils se sont arrêtés et Maxime a embrassé Marthe. Moi, je ne peux pas croire cela. Ce serait trop, trop vilain. Mais, j’ai voulu tout de même vous avertir… Ah bien ! par exemple, ce serait fort… Dans mon jardin, mon jardin ! Je ne peux pas croire cela !

Étienne était atterré. Il s’était assis près de la tante Anna et il la regardait fixement comme pour mieux entendre, pour mieux comprendre.

Madeleine Baroney avait des larmes dans les yeux. Gabriel, debout près de la table, fixait son fils. Quand la tante Anna eut fini d’égoutter ses exclamations, Gabriel s’approcha d’Étienne :

— Ce n’est pas toi qui as reconduit Marthe chez elle hier soir ?

— Non.

— Comment, non ? et qui est-ce qui l’a reconduite ?

— Je n’en sais rien. Elle m’a quitté brusquement en me suppliant de la laisser partir seule…

— Mais pourquoi ?

— Nous avons eu une scène stupide.

Étienne, la gorge serrée, raconta en quelques mots, à son père et à sa mère, le drame du kiosque. La tante Anna, les yeux