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assez bizarres, témoignent de l’inexpérience qu’on avait encore de ces sortes d’affaires : elles ne nous en assuraient pas moins des droits politiques éventuels, droits dont il pouvait être aisé de tirer grand parti et, immédiatement, les avantages commerciaux que l’on visait surtout. Elles étaient, en outre, certainement conformes aux vues du gouvernement. Les Affaires étrangères, en effet, se bornèrent à formuler, au sujet du monopole commercial qui leur sembla peu en harmonie avec les principes modernes, quelques objections toutes théoriques ; quant à la Direction des Colonies, elle ne dissimulait point sa satisfaction et insistait pour qu’un avancement rapide vint récompenser Bouët-Willaumez de son succès. L’approbation du Roi, formellement réservée par le négociateur, fut donc accordée sans hésitation, encore que sous une forme un peu conditionnelle, et comme une indiscrétion locale avait fait connaître la conclusion de l’accord, toutes les mesures furent prises, afin de hâter l’exécution. Dès la fin de 1840, des instructions précises partaient pour Mogador et, dans le courant de 1841, Bouët retournait sur place. Ce qu’il y constata modifia la physionomie de l’affaire. Une nouvelle exploration conduite par lui-même et par un autre officier, M. de Kerhallet confirma les difficultés que présentait la navigation. Le cheik, d’autre part, n’arrivait pas à fixer ses idées. Toujours désireux de voir créer le port, il hésitait sur l’emplacement, et le gouvernement français ne trouvait pas dans les rapports reçus des indications suffisantes pour lui en imposer un. Dans ces conditions, il devenait bien difficile d’aboutir. Il n’y eut pourtant pas abandon officiel ; la France ne renonça pas aux droits immédiats ou éventuels que lui assurait son traité, mais les choses demeurèrent en suspens et, en 1843, notre intervention au Nord du Sénégal n’avait conduit à rien de positif.

Au sud du Sénégal, en revanche, les résultats étaient très nets, car nous prenions pied dans deux régions distinctes. — Dans le bassin de la rivière Cazamance tout d’abord, où nous entraînait cette association de marchands, dite Compagnie de Galam, qui absorbait au Sénégal tout le trafic avec les indigènes et à laquelle le gouvernement français renouvelait périodiquement un privilège exclusif. En 1836, lors d’un de ces renouvellemens, les négocians sénégalais avaient présenté des statuts prévoyant une extension du champ de leurs affaires : à la « traite » de la gomme dans les « escales » traditionnelles du fleuve ils voulaient