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la Marine avait été enfin contrainte de céder et, après le prompt remplacement de l’amiral Roussin par l’amiral de Mackau, de prescrire à Madagascar une politique d’effacement, la situation vers la fin de l’été de 1843 se trouvait exactement la suivante. À la suite d’entreprises amorcées un peu au hasard, dix ans durant, dans toutes les parties du monde, le gouvernement français s’était trouvé conduit a examiner dans son ensemble le problème de notre expansion. Sous l’influence des circonstances générales, en partie aussi pour limiter des ambitions qui lui déplaisaient et pour faire échouer des projets particuliers, M. Guizot avait alors improvisé une doctrine : après l’avoir fait adopter en principe par ses collègues, il l’avait fait admettre effectivement par les récalcitrans en même temps qu’il la précisait devant les Chambres qui l’approuvaient implicitement. Lors donc qu’il parla dans un discours du « système » dans lequel était entré le gouvernement, il n’avançait rien qui ne fût exact. Le système était probablement trop restrictif. La Direction des Colonies et le ministère du Commerce voyaient sans doute juste en estimant que de simples points de relâche n’offriraient pas aux négocians les débouchés dont ils avaient besoin. Par un phénomène extrêmement rare dans notre histoire coloniale, il y avait pourtant un système d’ensemble, embrassant le monde entier. Chose non moins digne de remarque, ce système était hautement avoué, officiellement proclamé, et à son propos, gouvernement et parlement se trouvaient d’accord.

Rien de cela, toutefois, ne suffisait. C’était peu de chose, en somme, que l’affirmation d’une doctrine, même si on lui rattachait arbitrairement, après coup, des occupations comme celles du Gabon ou de Mayotte préparées pour des motifs très différens. Si l’on était réellement sincère, force était d’envisager des mesures d’application générale. Du moment que nos ambitions devaient se limiter à l’acquisition de quelques points d’appui maritimes, il fallait que ceux-ci, assez nombreux et judicieusement choisis, formassent tout autour du globe un réseau à peu près complet. Or, un simple coup d’œil jeté sur la carte montrait qu’il n’en allait pas encore ainsi. Aucun port français ne jalonnait la route à suivre pour aller de l’océan Indien au Pacifique, entre Mayotte et Tahiti. Une fois quittée la côte d’Afrique, rien non plus sur la route du Pacifique par le cap Horn. De pareilles lacunes ne se justifiaient plus. On se mit donc