Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sorte de ministère des Beaux-Arts de l’époque). A sa suite, ses descendans immédiats, puis les Tosa devinrent en quelque sorte les peintres officiels de la Cour. C’est à son petit-fils Takayoshi (vers 1072-1076) que revient l’honneur d’avoir porté au plus haut point la gloire des Kasuga. L’œuvre la plus importante exécutée par celui-ci fut l’illustration du célèbre roman de Murasaki Shikibu, le Gengi Monogatari (datant de l’an 1004.) Par elle, on peut se rendre compte des tendances de l’école. La peinture est essentiellement décorative ; le coloris en est éclatant, mais parfois un peu épais. On sent, en outre, une certaine gaucherie et de la raideur dans les attitudes. Le mode conventionnel de représentation de ses personnages a reçu au Japon le nom de Hikime Kagihan (littéralement : « les yeux linéaires et les nez comme des clefs. ») L’artiste nous représente ses héros sous la forme de courtisans d’allure fort distinguée, de dilettantes, discutant gravement de choses futiles tout en s’efforçant de déranger le moins possible les plis de leurs amples vêtemens empesés. (Kokka, n° 182, juillet 1905). Le luxe des ors et des brillantes couleurs rend admirablement la somptuosité des étoffes. L’école de Kasuga, en un mot, est en complet accord avec les mœurs et les goûts de l’époque. Les paysages sont traités de manière très simple et primitive, la perspective fait à peu près défaut. En revanche, le peintre s’efforce de donner une reproduction exacte des intérieurs en faisant disparaître les cloisons mobiles servant de murs aux maisons.

Une tendance très différente de la nouvelle peinture laïque japonaise apparaît dans l’œuvre de Kakuyù (1053-1140.) Celui-ci fut durant une partie de sa vie dai-sôjô, — c’est-à-dire archevêque, — de Toba, d’où son surnom de Toba Sôjô et celui de Toba-ye donné à ses dessins humoristiques. On doit voir en lui le grand fondateur du style Yamatoye dans son expression la plus énergique. Ses peintures sont de deux sortes. Dans trois makimonos en noir conservés au temple Kôsanji en Yamashiro, il parait avoir fait œuvre satirique en remplaçant les hommes par des animaux à la façon des fabulistes. De tels croquis, pleins d’une vie débordante, ne sont certes pas ceux qu’on pourrait attendre d’un grand prêtre bouddhiste. Il semble qu’il se soit proposé pour but de railler les mœurs de son époque, mais, par malheur, la plupart des allusions contenues dans ces merveilleux dessins nous échappent forcément (Kokka.)