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ceux qu’ils avaient l’espoir d’obtenir encore. A leur tour ils ont rédigé une sorte d’ultimatum en quatorze articles qu’ils ont adressé au gouvernement de Constantinople, et que celui-ci a accepté à une exception près : il n’a pas consenti à l’article qui demandait la mise en jugement du ministère Kakki pacha : le fait aurait été d’un trop mauvais exemple, il aurait constitué un trop dangereux précédent. Mais, devant tout le reste, le ministère Ghazy Moukter pacha s’est incliné : pouvait-il faire autrement ? Cette fois encore, on a parlé d’apaisement et il est probable qu’on en aura au moins le simulacre. Toutefois les Albanais restent en armes ; ils avaient même eu l’audace de demander qu’on leur en distribuât de nouvelles, ce que le ministère Mouktar ne leur a pas accordé ; il y a suspension d’hostilités, mais est-il besoin de dire combien l’avenir est précaire ?

Quant au Monténégro et à la Bulgarie, leur cas est à peu près le même. On sait que le Monténégro a été récemment érigé en royaume : le roi Nicolas trouve sans doute son territoire un peu mesquin pour être surmonté d’une couronne. Il y a eu, on a créé un mouvement sur les frontières, chose toujours facile : un conflit entre musulmans et chrétiens s’est produit et les Monténégrins, pour secourir ces derniers, sont entrés sur le territoire ottoman. Des représentations ont naturellement été faites à Cettigné par la Porte, sans qu’il en ait été tenu grand compte, et un moment la tension des rapports entre les deux gouvernemens a été si forte qu’on a pu craindre une rupture. Il s’en faut d’ailleurs que ce péril soit définitivement conjuré. Les nouvelles les plus contradictoires alternent du jour au lendemain. Tantôt on annonce que le Monténégro mobilise, tantôt on assure que les bons conseils des puissances ont produit leur effet et que l’affaire est arrangée. Malheureusement, des affaires ainsi arrangées sont toujours sur le point de se déranger de nouveau, et le Monténégro est un des points des Balkans sur lesquels il faut avoir toujours les yeux ouverts. Il en est de même de la Bulgarie, où il y a aussi un roi de fraîche date et un peuple sérieux, laborieux, ambitieux, muni d’une armée bien outillée, bien commandée, dit-on, et toujours prête à entrer en campagne. Elle y entrera sans doute brusquement un jour ou l’autre : si elle ne l’a pas fait encore, c’est grâce à la prudence, à la sagesse du roi Ferdinand qui, connaissant mieux que ses sujets les dispositions de l’Europe, n’a pas encore trouvé le moment favorable. Mais les Bulgares sont impatiens. Doués d’un esprit essentiellement utilitaire et pratique, ils ne veulent pas avoir fait pour rien de grands sacrifices, et ils estiment que, s’ils ont une armée qui leur coûte très