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divisé pour être fort. Il a été formé de personnages considérables, mais dont chacun avait des vues différentes de celles de son voisin sur la conduite à tenir envers le Comité Union et Progrès, vaincu sans doute, mais non pas défait. Tous avaient, disons-nous, des vues particulières : il faut faire exception pour Mouktar pacha qui paraît bien n’en pas avoir du tout : son glorieux passé sert de couverture à des passions qu’il ne partage peut-être pas et à des intrigues où il se perd. Aussi a-t-on dit tout de suite qu’il n’était là qu’à titre provisoire et serait bientôt remplacé. Mais par qui ? Pour lui donner un successeur, il faudrait qu’un des deux partis qui se disputent la direction des affaires eût définitivement prévalu. En somme, les uns veulent, sous prétexte de conciliation en face d’un danger commun, ménager le Comité Union et Progrès, et nous ne disons pas qu’ils aient tout à fait tort : les autres veulent en finir avec le Comité et lui arracher ses racines, afin de l’abattre définitivement. Ses racines sont les fonctionnaires qu’il a partout et qui, lors des élections dernières, ont été, avec la brutalité et le cynisme que l’on sait, les instrumens de son influence : qui pourrait dire que ceux qui veulent s’en débarrasser n’ont pas quelques bonnes raisons pour cela ? Qu’arrivera-t-il, en effet, si les élections prochaines se font sous les mêmes influences et par les mêmes procédés que les précédentes ? Qu’adviendra-t-il du gouvernement actuel et de la Ligue militaire qui l’a fondé ? Un des ministres d’hier n’a-t-il pas dit qu’il attendait le moment de demander des comptes à ceux d’aujourd’hui ? Ces divergences dans le gouvernement ont rendu particulièrement délicate la situation du ministre de l’intérieur ; aussi, à la difficulté d’en trouver un, s’est ajoutée bientôt celle de le conserver ; à peine a-t-il été en place qu’il a été impossible de l’y tenir ; Zia pacha est parti le premier, puis un second, puis, croyons-nous, un troisième. Ils étaient tous partisans de la manière forte, c’est-à-dire de l’épuration du personnel et de la nécessité d’en constituer un nouveau sur le dévouement duquel on pût compter. L’homme qui dans le ministère agissait le plus fortement en sens opposé était Hussein Hilmi pacha : il vient à son tour de démissionner. Son départ peut donner plus d’homogénéité au ministère, mais n’augmentera pas son autorité, car Hilmi pacha en avait personnellement plus que ses collègues : son passé le recommande et, dans les débats parlementaires qui ont précédé la dissolution de la Chambre, il a montré une présence d’esprit, un sang-froid, une fermeté qui ont été très remarqués. Nous n’avons pas à prendre parti entre les ministres ottomans et les politiques