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moi-même ! » Elle s’y raccrochait comme à un suprême espoir. Maxime reviendrait. Il reviendrait de lui-même, sans en être prié. Maxime allait revenir. Et le cauchemar serait fini. « Je reviendrai peut-être plus vite que je ne crois moi-même. » Une rafale d’eau frappa soudain les vitres. Jérôme et Marthe se souvinrent ensemble du mot de Maxime : « Il pleut trop ici cette année ! » Quelle excuse misérable ! Ainsi, c’était tout ce qu’il avait trouvé. La peur d’une signature irrévocable, l’appréhension de la paternité, ce n’était rien en face de ce fait : Il pleut trop cette année, ici ! Que lui importait l’amour d’une femme, le manquement à la parole donnée à un notaire, le scandale inévitable de ce brusque départ ? Il pleuvait trop ici cette année !

Jérôme, arrêté devant la fenêtre, regardait, écoutait tomber cette pluie qui avait fait de son fils un pleutre, un homme déloyal :

— C’est un misérable ! prononça-t-il à mi-voix.

Le mot fit sursauter Marthe.

— Non, père, dit-elle, c’est un faible, un enfant…

— Oui, un enfant, c’est la vérité, un être qui ne voit dans la vie que l’amusement passager, pour qui les récréations et les vacances sont la grande affaire et qui ne veut plus rentrer en classe. Un enfant, certes, mais de la pire espèce et qui me fait honte. Ah ! ma pauvre petite Marthe, c’est pour votre malheur que vous avez épousé ce monstre.

— Je ne regrette rien, dit lentement la jeune femme… Je m’attendais à souffrir. J’en souffre moins… Et puis, il reviendra. Il l’a promis. Il ne pourra pas faire autrement. Comme il sera beau, le jour de son retour ! Comme j’oublierai tout le méchant passé !… Non, père, ne me plaignez pas ; je ne regrette rien…

Marthe se berçait de paroles vaines, d’espoirs impossibles. Jérôme ne voulait pas se laisser convaincre. Au lieu d’essayer de consoler la malheureuse, il s’ancrait dans l’amertume, et il répétait machinalement :

— C’est un misérable ! C’est un misérable !

Alors Marthe Baroney se remit à pleurer à grands sanglots qui la secouaient toute. Et devant la douleur de sa belle-fille excitée par sa propre maladresse, Jérôme restait tout hébété, les bras ballans, incapable de trouver les mots convenables, et furieux maintenant contre lui autant que contre Maxime. Cepen-