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— Bourin t’écrit. Qu’est-ce qu’il peut bien te vouloir ?

— Je n’en sais rien, répondit Maxime, sèchement ; puis se levant, il mit la lettre dans sa poche et sortit en murmurant :

— Je veux en avoir le cœur net.

La tante Anna était devenue violette : on la devinait près d’éclater ; Rolande jouait nerveusement avec une petite cuiller. Seule la vieille tante Malvina restait absente et mâchonnait les fruits qu’on lui avait servis.

— Enfin, qu’est-ce qu’il y a ? demanda Jérôme. Vous avez l’air d’être au courant, vous deux. Dis-moi, Anna…

La tante Anna n’attendait que le moment de parler, mais elle avait attendu trop longtemps, les mots se précipitèrent au hasard :

— Ah bien ! par exemple, oui, je suis au courant. Mais j’aimerais mieux ne rien savoir, parce que… Ah ! oui, c’est joli. Mon jardin… et puis Artémise tient bien ses promesses. Oui ! par exemple, elle tient bien ses promesses !… Mais Ernestine ne peut pas s’en aller ; non, elle ne peut pas s’en aller.

Devant ce flot incohérent, la tante Malvina leva le front, s’étonna. Jérôme recula sa chaise et se tourna vers sa fille qui agita ses mains pour se récuser.

— Moi ? Oh ! papa, ne compte pas sur moi. Je n’y comprends rien. Et puis, j’ai horreur de ces cancans de petit trou. S’il y a quelque chose d’important à savoir, Maxime nous l’apprendra à son retour.

— Et où va-t-il ?

— Chez M. Bourin. Il l’a dit tout haut.

— Maxime, chez Bourin, c’est du plus haut comique…

— Tu trouves ?

— Est-ce qu’il veut entrer dans son étude ?

— Non, je ne crois pas.

— Enfin, vous ne voulez rien me dire, c’est parfait.

Et tout son corps s’affaissa, ses traits se tirèrent. Il avait suffi de ce nouvel ennui pour le faire rentrer dans la peau du vieil homme des veillées parisiennes.

— Je me demande, reprit-il, pour combien vous me comptez ? Pour un simple zéro. Un fournisseur de pièces de cent sous. Utile au dehors, mais toujours de trop dans les conversations. Eh ! j’y songe. Gabriel est venu me voir cet après-midi et voulait absolument m’entretenir d’une chose grave. Je l’ai envoyé promener. J’ai eu tort. Il m’aurait tout dit… Maxime a commis