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Leur salon est une salle d’attente ; c’est quelquefois une antichambre. »

Il y a encore des femmes qui sont nées « sergens de ville, garde municipal, gendarme. Ces femmes courageuses font gratuitement la police des salons ; elles vont et viennent de la salle de bal à la salle à manger avec un zèle et une activité infatigables ; elles traversent la foule et la foule se range à leur aspect ; elles font taire les bavards quand on va chanter ; elles ordonnent aux hommes assis de céder leurs places aux femmes récemment arrivées ; elles font ouvrir les fenêtres, évacuer les portes, enlever les banquettes… Ces femmes, en général, sont grandes comme de beaux hommes ; elles ont une bonne voix de commandement. Plus d’un colonel voudrait trouver pour dire ; « Portez arme ! » l’accent qu’elles trouvent pour crier : « Chut ! Chut donc ! » Elles ont une attitude martiale qui impose un grand respect. Leur robe à brandebourgs ressemble toujours un peu à un uniforme, et leur toque de velours est un reste de chapeaux à trois cornes. »

Quelquefois et même assez souvent, le Vicomte procède par ce que j’appellerai une pluie de portraits, comme Molière dans l’Impromptu de Versailles et l’effet de fourmillement est très plaisant. Notez que l’on sent très bien que de chacun de ces portraits réduits à deux lignes elle pourrait faire un grand portrait en pied et qu’il y a de la ressource avec chacun de ces personnages. Voici, par exemple, « l’homme malheureux » parce qu’il est bien élevé ; l’art consistera à faire comme tourbillonner autour de lui tous les gens mal élevés de Paris, chacun lui faisant sa blessure particulière et chacun caractérisé par la blessure qu’il fait ; et les portraits ainsi se succéderont avec une rapidité réjouissante comme au cinématographe : « … C’est une jeune élégante qui vient lui dire après une partie de whist : « Eh bien ! vous avez perdu. Vous êtes enfoncé ! » C’est une autre femme qui lui répond : « Merci, ma mère est guérie, elle est encore un peu faible ; mais en masse elle se porte bien. » — « C’est une autre merveilleuse qui ne parle qu’en style de fabricant : elle est sortie le matin dans son coupé (style de sellier), elle vient d’essayer son amazone (style de tailleur) devant sa psyché (style d’ébéniste) enveloppée dans son kamaiouska (style de couturière)… C’est une autre merveilleuse un peu mûre qui a l’air de réciter le calendrier. Elle était inquiète d’Isidore, mais