Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déclarer en pleine Presse. Elle s’en excuse, elle en demande pardon ; elle allègue que Racine est pour elle un ami d’enfance ; elle ressemble à ce Monsieur qui, pour se faire pardonner une maîtresse bête, ne manque pas de vous dire qu’il l’a connue quand elle avait dix ans ; mais enfin elle fait l’éloge de Racine, et dans la Presse ; et elle trouve ses vers « sublimes » et elle prie qu’on lui fasse grâce pour son style « suranné. » Il est étrange qu’il y ait eu une époque où l’on trouvât surannée la manière de Racine, qui est précisément l’auteur dont le style a le moins vieilli. Je crois pourtant comprendre cela. Les choses surannées de Racine, car il en a, éclatent d’autant plus que tout le reste de son texte est d’un style qui n’est d’aucun temps, est d’un style éternel, et il est certain que « brûlé de plus de feux que je n’en allumai » (qui, du reste, est d’un poète grec, mais très 1650 nonobstant) et que « le simple appareil d’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil » et que « le soleil a trois fois abandonné les cieux et le jour a trois fois chassé la nuit obscure… » choquent plus dans Racine qu’ils ne choqueraient dans Corneille, dont le style est, lui, presque continuellement suranné, ce que les gens de 1840 n’ont jamais songé à lui reprocher. Ne soyez pas parfait, parce que, comme on ne l’est jamais, vos petites imperfections parmi votre grande perfection paraîtront énormes. Il ne faut pas gâter les gens. A qui l’on reproche le plus ses défauts, c’est celui qui n’en a que de petits.

Elle a quelquefois des parallèles qui ne sont pas très heureux. Voulant caractériser Lamartine et Hugo par leurs différences, ce qui, du reste, est toujours dangereux, elle démontrera longuement que Lamartine a pris pour matière le beau et Hugo le laid, et qu’ils sont sublimes tous les deux chacun dans leur genre. C’était une idée assez répandue en 1840 à cause des drames de Victor Hugo. Je n’ai pas besoin de dire à quel point elle est superficielle. Ni quand il a encensé, ni quand il a critiqué, Sainte-Beuve n’a dit cette au moins demi-sottise. Le vicomte se relève quand, à propos des Voix intérieures ou des Rayons et Ombres, il oublie totalement son Hugo exploiteur du laid et ne songe plus qu’à sourire ou à pleurer.

Chose curieuse, elle découvre Théophile Gautier comme poète en 1838 ! Jusque-là elle ne le connaissait que comme prosateur satirique. J’ai besoin de citer pour me convaincre de