et un ans bien sonnés et je songe à m’établir. Vous, mon pauvre Paul, il vous faut encore attendre quelques années. Si je ne m’abuse, un maréchal des logis touche soixante-cinq francs par mois. Nous ne pourrions pas entrer en ménage dans ces conditions-là. Ne froncez pas vos beaux sourcils. Je ne veux point me moquer de vous. Restons bons amis. La, donnez-moi votre main, et maintenant, marchons et écoutez-moi. J’ai encore quelque chose à vous dire et qui vous prouvera que vous vous étiez fourvoyé… J’ai des projets…
— A Paris ?
— Non. Ici.
— Aux environs.
— Non. Ici.
— Qu’est-ce que vous appelez « ici ? »
— Et vous ? Sur quelles terres sommes-nous ?
— Sur les terres de Malard… Vous voulez épouser Malard ?
— Oui. Qu’est-ce que vous en dites ?
— Je dis qu’il aura rudement de la veine.
— Bon. Mais je parle à mon point de vue ?
— Eh ! eh ! Malard est un original ; c’est aussi un homme de ressource.
— Il est riche. Mais je le crois un homme de premier ordre. Il a un culte modéré pour l’élégance, c’est entendu : il est fort intelligent, ce qui vaut mieux.
— Est-ce que vous savez que ?…
— Oui, je sais que… comme vous dites. Je sais tout. Je ne crois pas l’obstacle insurmontable. Tout homme traverse sa période d’amourettes. Celle du baron a été plus longue par veulerie provinciale. J’en augure un avenir de tout repos.
— Bravo ! bravo !
— Ça n’est pas le grand enthousiasme.
— Ah ! ma chère Rolande, donnez-moi le temps de me faire à cette idée. Il se passe tant d’événemens dans notre calme coin depuis quelques semaines que je m’y perds un peu. Étienne blackboulé : ça, c’est dans l’ordre. Maxime se fixant à La Châtre et épousant la petite Bourin : c’est tout de même digne de remarque. L’oncle Jérôme quittant Paris pour réparer des châteaux : cela reste logique. Rolande Baroney, Parisienne, épousant le baron Louis-Napoléon Malard dit Bric-à-Brac, c’est le bouquet inattendu de cet invraisemblable feu d’artifice.