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a tant de verve et conte de si amusantes histoires, M. Gaston Deschamps retour de Grèce, chroniqueur alerte, pimpant et brillant ; on y rencontrait encore, on y rencontre toujours M. Henri Chantavoine dont le lecteur ne se lasse pas de goûter la bonhomie souriante. M. André Beaunier s’encadra tout de suite dans cette équipe, et s’y fit remarquer par une façon ingénieuse, subtile et narquoise qu’il avait de commenter les menus faits de chaque jour. L’observateur se trahissait par toute sorte de remarques fines et malicieuses ; l’humoriste mêlait à beaucoup de bon sens beaucoup de fantaisie et d’esprit. De là, et peut-être après quelques étapes, il entra au Figaro. Pour qui s’intéresse à toutes les formes de la vie actuelle, il n’est pas de meilleur observatoire qu’un bureau de journal : c’est le centre où tout vient aboutir. A parcourir tous les jours ces feuilles éphémères et frémissantes qui entretiennent dans le public cette petite fièvre dont brûle notre société, quelle opulente récolte on peut faire de paradoxes, d’excentricités et de cocasseries ! M. André Beaunier excelle à les souligner d’un trait presque imperceptible, d’un air innocent de pince-sans-rire. Comme il fait chaque matin la revue des journaux, il fait chaque semaine la revue des Revues. C’est une rubrique qu’il a, pour ainsi dire, créée et qui nous manquait en France. Les Revues se sont multipliées à foison, et il est bien entendu qu’elles sont toutes intéressantes ; mais tout n’y est pas également intéressant. Quel service un critique obligeant peut rendre aux lettrés, un peu empêchés de tout lire, en leur signalant ici ou là ce qui ne doit pas leur échapper, l’article qui contient ou des documens nouveaux, dont nous sommes si friands, ou, ce qui est plus rare, une idée neuve. Non content de les signaler à la curiosité de tous, il en dégage les parties essentielles, en élague les broussailles, et ainsi rend aisés à lire ceux mêmes qu’obscurcissaient de savantes ténèbres. N’oublions pas que nos pères ne concevaient pas autrement le travail du critique : ils appelaient nos articles, des « extraits. » Ce métier de journaliste littéraire exige beaucoup d’activité, de souplesse et de talent ; au surplus, il est un peu décevant. « Le journalisme mène à tout, disait-on jadis, à condition d’en sortir. » Nous avons légèrement modifié ce mot. On ne sort plus guère du journalisme à une époque où tous ceux qui écrivent, bien ou mal, écrivent dans les journaux. Mais en restant dans le journalisme il est bon de ne pas s’y limiter. C’est le cas pour M. André Beaunier, esprit agile, tenté par des genres littéraires très différens, et que nous avons vu même, la saison dernière, s’essayer au théâtre aux côtés de M. Paul Bourget.