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évdence, et comment défendre une école qui a des maîtres affiliés à la Confédération générale du travail ? Le gouvernement a senti la difficulté, ou plutôt l’impossibilité de le faire avec succès, et M. le ministre de l’Instruction publique, dans la circulaire excellente qu’il a adressée aux préfets, n’a pas hésité à dire qu’il procéderait à cette défense de l’école laïque non seulement contre ceux qui l’attaquent, mais contre ceux qui la compromettent. À la bonne heure ! Nous n’étions pas habitués à entendre ce langage, qui fait grand honneur à M. Guist’hau. De même qu’il y a eu des prêtres qui ont porté atteinte à l’intérêt de l’Église par des défaillances personnelles, il y a des instituteurs qui portent atteinte à celui de l’école laïque en étalant au grand jour tantôt l’esprit sectaire qui les anime, tantôt les ambitions sans scrupules qui leur font oublier les convenances de leur ministère. Ces instituteurs imposent une nouvelle tâche au gouvernement.

Le mal a plusieurs sources, mais une des principales est dans les syndicats, et c’est sur celle-là que le gouvernement a résolu de porter immédiatement son action. M. le ministre de l’Instruction publique a déclaré dans sa circulaire que les syndicats d’instituteurs étaient illégaux et qu’ils devaient être supprimés et dissous avant le 10 septembre, faute de quoi des poursuites contre les délinquans seraient portées devant les tribunaux. Rien n’a égalé l’étonnement des instituteurs syndiqués et de leur fédération à la lecture de la circulaire de M. Guist’hau. Ils étaient loin de s’attendre à une décision aussi nette, aussi ferme, de la part du gouvernement. Est-ce qu’on ne leur avait pas jusqu’ici passé toutes leurs fantaisies ? Est-ce qu’on ne leur avait pas tout permis ? Est-ce qu’ils n’étaient pas habitués à tout se permettre, sans qu’il en résultât aucun inconvénient pour eux ? Enfin, est-ce qu’ils n’avaient pas pour eux un vote formel de la Chambre qui avait autorisé la survivance de leurs syndicats, de ceux du moins qui existaient au moment du vote, jusqu’au moment où on leur aurait donné un statut personnel ? Ce moment, toujours annoncé, se cachant dans les brumes où disparaissent les calendes grecques, les instituteurs avaient conclu qu’ils avaient possession d’état et que rien ne pouvait les y inquiéter. Le vote de la Chambre existe en effet ; il date de plusieurs années, et c’est assurément un des actes de faiblesse, ou plutôt de déliquescence morale les mieux caractérisés qu’une Chambre et un gouvernement aient jamais commis. Le gouvernement d’alors a proclamé que les syndicats d’instituteurs étaient illégaux ; mais un certain nombre s’était formé quand même, il a reculé lâchement, — il n’y a pas d’autre mot, — devant l’énergie