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peu, s’abattent, et le bruit de leurs ailes passe comme une trombe. Les vasières sont entièrement blanches.

Je les ai revues, une heure plus tard, du sommet du Petit Cap. C’est le nom d’une colline toute voisine du Saint-Laurent, et qui porte, parmi les bois, la vieille et vaste maison de campagne, — bien française aussi, — du séminaire de Québec. Un sentier suit la crête de la falaise, et la splendeur des eaux, le vent tiède, le cri des oies sauvages, le ronflement d’un canot à pétrole qui paraît menu comme un scarabée, nous viennent à travers la futaie. Arbres verts, chênes, érables, frênes, tout pousse bien sur la butte. La saison du sucre d’érable est à peine terminée. La sève sucrée coule encore le long des troncs qui sont percés de deux ou trois trous d’un demi-pouce de diamètre. Je demande à mon guide combien produit un érable de taille moyenne.

— Cinquante ou soixante litres d’eau, me dit-il, qui donnent une livre de sucre.

Pendant que nous traversons de nouveau la plaine, il me raconte des traits de mœurs rurales. Je sens bien, au ton de la voix, que ce prêtre a le respect et l’amour de la profession de laboureur. Il me dit encore :

— Mon père avait fait ses humanités jusqu’à la rhétorique. À ce moment, il se mit à cultiver la terre. Et il avait coutume de nous répéter : « Je n’ai jamais eu de regrets. »

Ce pays de haut labourage me conquiert. En peu de temps nous gagnons la partie de la paroisse où commencent les premières pentes du cap Tourmente, et les forêts merveilleuses ne sont plus très loin. Les cimes des érablières ont une grâce qui retient. Il me semble que le sol est plus pauvre. Mais les cultures sont toujours bien encloses. Des fossés bordés de saules suivent le pli des pâtures. Nous entrons un moment chez M. Thomassin, qui est propriétaire de Valmont, vieil homme, tout droit encore, qui ressemble à un retraité de la marine.

— Venez au moins dans la grand’chambre ? me dit-il.

Et nous allons dans la grand’chambre. La mère de famille arrive : des cheveux très blancs, des yeux très bleus, un visage doux ; puis un gars de dix-neuf ans, géant magnifique et rieur, le torse serré dans un tricot de laine ; puis une des filles, qui porte, — ce doit être la mode dans le comté de Montmorency, — un joli tablier brodé. La maison, dont nous visitons une