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termes, le comte Berchtold ramenait la proposition franco-russe à la sienne, sans se souvenir peut-être assez qu’il s’était passé quelques événemens depuis deux mois. Il craignait une trop grande précision dans les exigences de l’Europe relativement aux réformes. M. Sasonoff et M. Poincaré avaient craint, eux, que les gouvernemens balkaniques ne s’arrêtassent pas sur le penchant de la guerre, si on ne leur faisait pas très sérieusement des promesses très sérieuses, c’est-à-dire suffisamment précises ; mais, comme il fallait surtout aller vite et qu’on risquait toujours d’être devancé par les événemens comme on l’a été en effet, ils ont tout de suite accepté les amendemens du comte Berchtold. Le moment était trop grave, l’intérêt en jeu était trop pressant pour qu’ils missent à leur rédaction un amour-propre d’auteur. Ils sont allés plus loin : le comte Berchtold ayant demandé que les ambassadeurs des puissances, au lieu de remettre au gouvernement turc le texte même de leur accord, se contentassent de faire à Constantinople les démarches qui en étaient la conséquence, ils y ont consenti. Avouons-le, la démarche qu’on devait faire à Constantinople perdait ainsi quelque chose, peut-être même beaucoup de son caractère impératif, et les États balkaniques devaient être amenés à se demander si elle continuait d’imposer à la Porte une obligation véritable. Mais, encore une fois, on n’avait pas de temps à perdre et il fallait aboutir : pleine satisfaction a été donnée au comte Berchtold.

Les observations du gouvernement anglais, inspirées par la même pensée de ménager la Porte, ont été moins appuyées. On s’était demandé si les démarches auprès des États balkaniques et de la Porte devaient être faites collectivement par les représentans diplomatiques des cinq puissances ou seulement par ceux de l’Autriche et de la Russie, c’est-à-dire des deux puissances les plus intéressées aux affaires des Balkans. Sir Edward Grey a été d’avis que les démarches auprès des États balkaniques devaient être faites par les deux ministres de Russie et d’Autriche, et auprès de la Porte collectivement par les ambassadeurs des cinq puissances. Si l’Autriche et la Russie ont, en effet, des intérêts spéciaux dans les Balkans, toutes les puissances en ont d’analogues et d’égaux auprès de la Porte. L’affaire ne pouvait pas soulever de difficultés ; la distinction a été admise et la solution anglaise acceptée. Sur un autre point, sir Edward Grey a fait une autre observation : l’assurance que les puissances « prendraient en main » la réalisation des réformes lui a paru excessive et peut-être n’avait-il pas tort ; nous aurions préféré dire qu’elles tiendraient la main à cette réalisation. Mais sir Edward Grey n’a pas insisté. On commençait à lui