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production, par l’élevage et le dressage, que leur prix fût tombé tout à coup ? Etait-ce, pour les chevaux de guerre, un besoin qui cessait parce que les nouvelles armes à feu et la nouvelle tactique faisaient évanouir le privilège d’une monture exceptionnelle ? Etait-ce simplement une évolution des goûts, le luxe du cheval aux belles manières remplacé par d’autres animaux que l’on se procurait plus aisément ? Cette hypothèse parait la plus vraisemblable ; le nombre des chevaux, et des bons chevaux, a dû augmenter aux derniers siècles, puisque nous savons, à n’en pas douter, qu’il en fut employé davantage et que pourtant l’histoire des chiffres nous apprend que leur prix a baissé.

Peu d’années avant la Révolution, une ordonnance de Louis XVI porte que « Sa Majesté a reconnu, avec beaucoup de satisfaction, que les marchands de Paris tiraient des différentes provinces du royaume des chevaux capables de fournir au service de sa chasse et qu’elle pouvait se dispenser d’envoyer en Angleterre chercher des chevaux pour cet usage. »

L’observation s’applique aux attelages : l’offre d’un cheval de cabriolet, gris, à 3 800 francs, dans les Petites Affiches de 1788, n’a peut-être tenté personne ; nous ne voyons pas que les chevaux de carrosse les plus chers des XVIIe et XVIIIe siècles aient passé 2 000 francs ; ceux de Gabrielle d’Estrées étaient de 1 000 francs ; sur les 64 chevaux de la reine Anne d’Autriche (1666), 8 seulement servant au « carrosse du corps, » âgés de six à sept ans, valaient 1 900 francs, une vingtaine allaient de 1 000 à 1 300 francs, le reste de 600 à 1 000. Ces derniers prix étaient ceux que payaient communément le bourgeois ou le hobereau.

Mais s’il est vrai que des prix analogues étaient pratiqués au moyen âge et, par exemple, pour un char de la reine Isabeau de Bavière (1 700 francs en 1401), pour le « chariot branlant » ou la litière de la reine d’Espagne (1 400 à 2 000 francs en 1531), je n’ai jamais noté aux temps modernes de « limonier » à 3 000 francs et de « cheval maure d’attelage » à 6 000 francs, comme on en rencontre chez des princesses du XIVe siècle.


V

Une autre preuve de la rareté des chevaux, au temps jadis, nous est fournie par le tarif des bêtes louées à la journée : beaucoup moins demandées, puisqu’il y avait fort peu de voyageurs,