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tion de ce plan a été fort défectueuse : ils se sont fait battre à la fois sur tous les points, sans qu’un seul succès, même le plus modeste, soit venu jusqu’ici relever ou soutenir le vieux prestige de leurs armes. Ils ont reculé uniformément sur toute la ligne. Chaque jour nous a apporté la nouvelle d’un combat qu’ils avaient perdu et d’une ville souvent importante que l’ennemi avait occupée. Serbes, Grecs, Monténégrins, quelle que fût la hardiesse de leurs espérances, ne comptaient certainement pas sur des succès aussi rapides, aussi faciles, aussi foudroyans. Ils avaient tous connu la force militaire de la Turquie ; ils étaient venus se briser contre elle ; sans la tutélaire intervention de l’Europe, ils auraient été anéantis. A la vérité, la situation n’était plus la même, puisqu’ils s’étaient unis contre l’ennemi commun et que leurs troupes, mieux instruites, mieux organisées, mieux armées, présentaient une solidité toute nouvelle. Malgré tout, ce n’est sûrement pas sans avoir le cœur étreint par une émotion patriotique qu’ils ont affronté l’aventure. O surprise ! l’armée turque reculait maintenant devant eux. Chaque rencontre tournait à leur avantage. L’armée serbe repassant sur les antiques champs de bataille où la Grande-Serbie de l’histoire et de la légende avait sombré dans le sang, y plantait aujourd’hui d’étape en étape ses drapeaux victorieux. Prichtina, Kumanova, Uskub, étaient pris. Comment les Serbes n’éprouveraient-ils pas l’enivrement du succès ? Comment leur imagination ne combinerait-elle pas des restaurations, des résurrections où ils retrouveraient leur grandeur déchue ? Et les Grecs ? Ils ont été les dernières victimes de l’armée ottomane ; leur défaite est encore toute récente ; leurs blessures sont à peine cicatrisées. Ils n’ont pourtant pas hésité à déclarer la guerre et sans doute, sachant à quoi ils s’exposaient, ils ont dû eux aussi éprouver quelques angoisses, mais ils ont passé outre. Marchant bravement vers la frontière, ils l’ont bientôt franchie, ils sont allés déjà très loin au-delà, leurs vieilles ambitions ont paru se réaliser, la Grèce de leurs rêves s’est reformée sous leurs pas. Où sont-ils aujourd’hui ? Où seront-ils demain ? A Salonique peut-être. Les Monténégrins sont trop peu nombreux pour pouvoir, malgré leur vaillance, parcourir d’aussi grands espaces ; mais on les dit à la veille de prendre Scutari. Ce sont là de grands changemens ! Si rien n’est encore définitif, comment croire que, de ce qui se passe en ce moment, il ne restera pas quelque chose et que les peuples balkaniques ne conserveront pas au moins une partie des territoires qu’ils ont conquis ?

Mais gardons-nous des pronostics ; ils sont souvent trompeurs, et