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partie gagnée. « Nos affaires bavaroises, écrit-il à Mercy[1], ont pris la tournure jusqu’à présent la plus favorable. Un mois que l’électeur est mort, et nous avons signé, ratifié une convention, nous sommes en possession de tout le district avec les fiefs qui nous échoient, et personne ne nous a encore dit un mot !… Mandez-moi par curiosité, ajoute-t-il néanmoins, ce que le public raisonnable de Paris en pense. » A cette question, Mercy répond, d’une plume un peu embarrassée : « Au premier aspect, le public de Paris a témoigné généralement rendre la justice qui est due aux bonnes mesures, à la fermeté et à la promptitude avec lesquelles il a été pourvu à la sûreté des droits de l’auguste Maison sur une partie de la succession bavaroise. Mais bientôt ce même public n’a plus vu dans l’objet susdit que les fantômes inquiétans que lui ont présentés tous les propos absurdes de guerre et de bouleversement général en Europe. Ces idées ont excité de la joie parmi le militaire, mais beaucoup d’humeur dans l’ordre civil. »

L’impératrice Marie-Thérèse ne partageait ni l’allégresse, ni les illusions de son fils. Elle vieillissait entourée de casuistes, de confesseurs et de directeurs de conscience, tourmentée de remords au souvenir des iniquités commises dans l’affaire de Pologne, assaillie de terreurs à l’idée que, peut-être, elle verrait couler de nouveau, avant de comparaître au tribunal suprême, un sang dont elle répondrait devant Dieu. Car elle avait, du premier jour, trop nettement aperçu les complications, les dangers, que provoquerait inévitablement la politique téméraire de Joseph. « L’électeur de Bavière vient de mourir, avait-elle écrit à Mercy sur la première nouvelle[2], événement bien fatal et auquel j’ai toujours souhaité de ne pas survivre. Le roi de Prusse ne laissera sûrement pas de s’opposer à nos vœux d’agrandissement et de tâcher de nous enlever la France, où il a nombre de partisans… Je serais inconsolable de voir s’écrouler tout notre système vis-à-vis de la France, par des troubles occasionnés par des différends sur la succession de Bavière ! »


La vieille souveraine y voyait clair. Toutes les appréhensions exprimées dans ces lignes allaient se réaliser point par point. Louis XVI, surpris de la brusque entreprise tentée par

  1. Lettre du 31 janvier 1778. — Correspondance publiée pur Flammermont.
  2. Lettre du 4 janvier 1778. — Correspondance publiée par d’Arneth.