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un vigoureux effort, s’est affranchie politiquement et économiquement ; elle a trouvé dans le roi Pierre un guide prudent ; ses officiers, qui avaient de tristes souvenirs à effacer, se sont mis à l’œuvre avec courage ; beaucoup sont venus, comme d’ailleurs beaucoup de Bulgares, étudier chez nous l’art militaire et le maniement de canons achetés en France. La Serbie avait, elle aussi, un idéal qui guidait son labeur ; elle apercevait, au terme de ses efforts, la réunion de tous les Serbes en un seul groupe national. La bataille de Koumanovo sera, pour le peuple serbe, le point de départ d’une ère nouvelle.

Le petit peuple monténégrin est une armée toujours mobilisée ; la guerre contre les Turcs a été jusqu’ici sa seule raison d’être, sa passion héréditaire. Mais il a fait, lui aussi, depuis quelques années, de grands efforts pour organiser sa vie économique et trouver les ressources qui manquent à ses arides montagnes : la guerre d’aujourd’hui lui apportera sans doute le salut.

Le royaume hellénique était en retard sur les Etats slaves, ses cadets ; la guerre de 1897 l’avait trouvé en pleine anarchie politique et militaire ; comme au temps de Gléon, les bavards menaient le gouvernement d’Athènes ; l’armée grecque n’avait ni organisation, ni discipline, ni officiers, ni soldats. La défaite fut pour la Grèce l’école de la sagesse ; elle trouva en M. Venizelos un homme d’Etat énergique sous l’impulsion duquel elle s’est mise au travail ; la politique a été extirpée de l’armée ; une mission militaire française, conduite par le général Eydoux, a aidé à reconstituer des troupes capables de faire bonne figure sur les champs de bataille de Macédoine. C’est une renaissance, ou plutôt une naissance.

Ces petits Etats que de nombreux journaux européens accusaient il y a quelques jours encore de troubler la paix pour satisfaire une ambition impatiente et brouillonne, ont en réalité fait leurs preuves d’énergie, de vaillance et aussi de patience. Depuis longtemps l’armée bulgare est prête et la nation se ruine à l’entretenir ; s’il n’avait écouté que le désir passionné de son peuple, ou que son ambition personnelle, le roi Ferdinand n’aurait-il pas eu, en 1908, puis en 1909, de magnifiques occasions d’intervenir ? Il a attendu l’heure où il ne serait plus possible de l’accuser de témérité et de folle précipitation, il a attendu que toutes les possibilités de solution pacifique fussent