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l’hypothèse de ce duel à peine probable si les adversaires ne sont pas d’accord pour le rechercher. Mais enfin, supposons qu’il ait lieu. Une victoire navale n’a jamais d’autres résultats immédiats que de donner au vainqueur la maîtrise des communications maritimes et de lui permettre une action offensive sur les rivages de l’ennemi désemparé. Encore faut-il que la flotte victorieuse n’ait pas été trop sévèrement éprouvée dans la lutte, qu’elle puisse et qu’elle sache profiter de son avantage avant que l’adversaire ait eu le temps de concentrer de nouveaux moyens de défense, et peut-être d’offensive.

Ces sommaires indications permettent d’entrevoir que le problème de la défense navale n’est pas une simple question d’arithmétique, et qu’il y entre d’autres données que le nombre des cuirassés, celui de leurs canons et la manière de s’en servir. Ces élémens sont, en quelque sorte, les coefficiens des forces matérielles disponibles. Ils en augmentent ou en diminuent la valeur. Ce sont eux qui si souvent ont déjoué les prévisions des statisticiens, et leur réservent encore quelques surprises dans l’avenir. L’aviation sera du nombre de ces puissances auxiliaires.


IV

Parmi les facteurs qui interviennent dans la stratégie de la paix, il en est un dont le rôle est dominant, et de plus éternel ; c’est la situation géographique du pays. A ne considérer que les choses navales, cette situation et la configuration des côtes déterminent la répartition des forces, et plus directement encore l’emploi qu’on devra faire des flottilles. La France jouit de l’avantage de pouvoir utiliser cet emploi dans une large mesure.

Nous avons expliqué pourquoi, au service d’une nation ayant rang de grande puissance, une flottille ne pouvait remplacer une flotte. Mais une flottille peut détruire une flotte. A la condition d’agir méthodiquement, en groupes, et dans les passages, détroits, mers resserrées, le pouvoir offensif de cette « poussière navale » est formidable. Il s’accroît chaque année par de nouveaux perfectionnemens, et plus encore par l’adoption, dans toutes les marines, de types de vaisseaux de guerre toujours plus coûteux et plus grands. Le dommage que peut causer une seule torpille est devenu énorme. Quatre ou cinq « coups heureux » produiraient un désastre.