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celui que son alliée avait dû subir vingt-cinq ans plus tôt.

La guerre balkanique, qui vient de faire faire un pas considérable à la solution de la question d’Orient, a montré une fois de plus que le facteur économique, dont il est de mode aujourd’hui d’exagérer l’importance, ne joue pas le rôle principal dans les luttes entre nations. Sans parler de la disproportion du territoire et de la population, qui semblait donner à la Turquie l’avantage sur ses adversaires, elle leur paraissait également supérieure au point de vue financier, puisque, au mois de septembre 1912, sa rente était cotée plus cher que celle d’aucun des belligérans. On aurait pu supposer que la Bulgarie éprouverait quelque peine à mobiliser son armée, à cause de l’échec de ses tentatives pour placer au dehors un emprunt de 180 millions. Les événemens se sont précipités ; les premières victoires ont raffermi le crédit des envahisseurs, qui trouvent aujourd’hui, plus aisément qu’au début, des prêteurs disposés à entrer en négociation avec eux. On a déjà dit que le succès des armes assurait celui du commerce extérieur et que le pavillon du vainqueur ouvrait les mers à ses flottes marchandes. Il est aussi vrai que, sous l’influence des mêmes causes, l’état financier s’améliore. Certes, le compte de liquidation sera lourd : mais ni la Bulgarie, ni la Serbie, ni la Grèce n’éprouveront de difficultés sérieuses à emprunter les sommes dont elles auront besoin. Elles n’auront plus à se tenir prêtes, comme elles le faisaient depuis longtemps, à une lutte qu’elles sentaient inévitable ; elles pourront travailler au développement de leur outillage économique, continuer les travaux publics déjà commencés, en entreprendre de nouveaux, se lancer hardiment dans les voies qui s’ouvrent à leur activité ; leur sol est riche, les habitans travailleurs, les élémens d’une véritable prospérité sont réunis : tout fait supposer qu’ils seront mis en œuvre et qu’une fois de plus, au lendemain de la guerre, s’ouvrira une période féconde, dont profiteront et les peuples des Balkans et l’Europe elle-même, délivrée d’un cauchemar qui pesait sur elle depuis plusieurs générations.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.