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affaires ou leurs marchandises, font rouler 31 000 autos mus par 355 000 chevaux-vapeur. Sans doute allons-nous constater aussi dans cette catégorie une diminution des anciens véhicules ? Nullement ! durant la même période, les chevaux à demi-taxe ont passé de 1 100 000 à 1 275 000, les voitures — à deux roues — se sont multipliées parallèlement de 1 065 000 à 1 280 000. En effet, pendant que les patentés du commerce et des professions libérales abandonnaient pour des voiturettes à pétrole leurs phaétons ou leurs tilburys à traction animale, les paysans attelaient 200 000 chevaux de plus au nombre grossi de leurs chars à bancs et de leurs carrioles.

C’est donc une récente conquête du peuple que ce cheval dont il est à la fois producteur et consommateur ; du peuple des campagnes s’entend, — l’ouvrier des villes a la bicyclette qui ne lui coûte rien à nourrir, — mais ce confort nouveau d’avoir « cheval et cabriolet » ne coûte guère à Jacques Bonhomme, parce que ses jumens lui rapportent. Il a appris à fabriquer des chevaux et il a gagné de quoi s’en servir.


II

Par une contradiction, qui semble paradoxale, au temps jadis, lorsqu’il fallait à la France si peu de chevaux, elle ne les trouvait pas chez elle ; presque tous les sujets distingués, de selle et d’attelage, étaient importés du dehors : tandis que maintenant la vente annuelle de quelque vingt mille têtes à l’étranger est un profit appréciable de notre agriculture.

Une antique tradition veut que la race des « grands chevaux » ait disparu pendant la guerre de Cent ans. Peut-être n’avaient-ils jamais existé qu’à l’État d’exception. Les chevaux de l’antiquité étaient de toutes petites bêtes ; les témoignages matériels en abondent : examinez, sur les frises du Parthénon la taille des chevaux de Phidias, en la comparant à celle de leurs cavaliers grecs, dont la stature pourtant ne devait pas être excessive ; regardez à quelle hauteur se porte la tête de ceux-ci par rapport à celle de leur monture, et surtout combien bas la jambe du cavalier descend au-dessous du poitrail de l’animal, vous croirez voir des poneys actuels affectés au jeu du polo. Vous ferez une observation toute pareille au moyen âge sur les chevaux que représente la broderie de Bayeux, dite