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opposé à, tout système de concentration, à tout essai d’organisation impériale [proprement dite, — et qui a eu d’ailleurs facilement gain de cause, parce qu’il ne faisait qu’exprimer la pensée profonde de ses collègues, — c’est celui-là même qui invitait jadis la métropole à appeler les colonies dans ses conseils, c’est sir Wilfrid Laurier.

Le premier ministre du Canada, comme celui de l’Australie, comme le général boer devenu Premier de l’Afrique du Sud, ont d’abord déclaré à l’envi et répété en maintes circonstances que, si la guerre éclatait entre l’Angleterre et une nation étrangère, leurs pays se réservaient le droit d’examiner si la cause de l’Angleterre était juste et s’il leur convenait de prendre part à la lutte. C’est afin d’être ainsi, selon leur gré, belligérantes ou neutres, malgré les difficultés d’une telle situation sur le terrain du droit international, qu’elles ont tenu à conserver la haute main sur leur marine. Puisque les colonies entendent juger les décisions de la métropole, ne semblerait-il pas naturel du moins qu’elles recherchent les moyens d’influer sur elles, de façon à limiter les chances de désaccord ? C’est ce qu’avait demandé M. Fisher, en rappelant plusieurs cas où le Cabinet de Londres avait négocié des traités touchant aux intérêts des Dominions sans prendre leur avis. Le ministre anglais des Affaires étrangères acceptait volontiers de s’engager à les consulter désormais avant l’ouverture de toute négociation. Sir Wilfrid Laurier n’a pas voulu suivre sir Edward Grey dans ce qui semblait pourtant une concession aux colonies. Ériger en système de telles consultations, a-t-il dit, serait une mesure grosse de conséquences. Le gouvernement impérial risquera de recevoir des avis contradictoires. D’ailleurs, si l’on consulte un Dominion sur des questions pouvant entraîner la guerre, ne sera-t-il pas obligé de prendre part à cette guerre ? « L’Empire a beau être une famille de nations, le poids principal des affaires doit porter sur les épaules de la Grande-Bretagne et ce serait aller trop loin que d’exiger, en tous cas, que les Dominions fussent consultés. » Pour le premier ministre canadien, qui venait de signer avec les Etats-Unis une convention de réciprocité commerciale, au grand scandale des impérialistes, il suffit, d’une part, que les Dominions puissent conclure des traités de commerce comme ils l’entendent, et, de l’autre, qu’ils ne soient pas compris, à moins qu’ils n’y aient