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démocraties, ont un penchant à l’impatience, à la logique, à la précision. De même qu’on institue en Angleterre un mécanisme automatique pour résoudre les conflits entre les Lords et les Communes, en supprimant les transactions qui sont pourtant l’essence même du régime parlementaire, de même certains voudront peut-être, à l’instar de sir Joseph Ward, bâtir une constitution fédérale de l’Empire en réglant minutieusement les rapports de la métropole et des colonies.

Ce serait une grave imprudence, si l’on veut se priver du concours du temps, et faire autre chose que codifier ce qu’il aura graduellement produit. Ce qui aidera sans doute à l’éviter, c’est que longtemps encore tous les Dominions seront moins peuplés que la métropole. En 1911, l’une compte 45 millions d’habitans, tous les autres ensemble 14 millions de Blancs. Il n’y a aucune chance pour qu’avant un demi-siecle les Dominions aient rejoint la mère patrie, qui devra contenir alors près de 60 millions d’habitans. La loi du nombre les mettrait en facile minorité, et elles ne l’accepteront pas.

Pendant les prochaines années, les conférences coloniales augmenteront sans doute de nombre et d’importance ; elles se tiendront peut-être bientôt tous les deux ans, alternativement dans les colonies et dans la métropole. En sortira-t-il une union militaire ou une union douanière ? Le succès des conservateurs canadiens, le choix du nouveau chef des conservateurs anglais semblent indiquer qu’un courant se prononce dans ce sens. Si des élections coïncident avec une période de crise économique, les Tariff Reformers anglais peuvent se trouver portés au pouvoir. Leurs desseins seront malaisés à mettre en pratique. Quoi qu’il en soit, on peut espérer, et on le doit pour le bien du monde, que, selon le mot du général Botha, et l’hommage n’est pas médiocre dans la bouche d’un tel homme, « le génie politique de la race britannique saura édifier une solution à ces difficiles problèmes, pourvu qu’on ne cherche pas à forcer le pas. »


PIERRE LEROY-BEAULIEU.