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connaissait dans nos cercles littéraires Benjamin Vicuña Subercaseaux, romancier et critique d’art, bibliothécaire des Affaires étrangères à Santiago, que vient de faucher une mort prématurée ; Rodriguez Mendoza, l’auteur de Cuesta Arriba, publie à Paris ce livre où vibrent tous les atavismes de la réceptivité et de la passion d’indépendance de l’âme chilienne.

En art comme en littérature, la France tient au Chili par des affinités intimes. Mais avons-nous fait tout ce qui dépendait de nous pour que l’on connut, là-bas, la France comme nation, comme une nation qui entend compter parmi les plus actives et les plus dignes de considération ? Valparaiso, jadis point d’attache d’une division navale, ne voit plus que rarement notre pavillon ; elle serait heureuse de le saluer, pourtant, et l’a chaudement témoigné à l’équipage du Montcalm, venu pour les fêtes du Centenaire ; à Santiago, le don par la colonie d’un beau monument commémoratif, « République et Liberté, » a par une aimable réciprocité valu à un jardin de, la capitale le nom de « Place de France. » L’ordre chilien du Mérite, reconstitué pour le Centenaire, fut remis au ministre de France par un groupe d’officiers chiliens, décorés de la Légion d’honneur. Pourquoi tous ces incidens symptomatiques sont-ils à peine relevés chez nous ? Il vaudrait la peine, cependant, de les commenter et d’en comprendre les leçons. Aujourd’hui, le Chili accueillerait volontiers des Français dans plusieurs de ses services publics, enseignement supérieur, météorologie, géodésie ; il ferait place à des banquiers qui ne lui tendraient pas, de loin, la faveur d’un emprunt, mais viendraient se mêler à sa vie quotidienne ; il manque de libraires français ; il connaît surtout, en spécialités de parfumerie ou de médecine, les contrefaçons de nos concurrens[1]

Défendons-nous ; la lutte est d’autant plus attachante que nous rencontrons là-bas des amis — et des gens qui s’organisent. Sous nos yeux, le Chili veut réformer des pratiques

  1. En 1911, sur un commerce chilien total de 626,31 millions de piastres, dont 328,83 aux exportations et 297,48 aux importations, la France figure pour 14,34 millions et 19,2 respectivement dans ces deux colonnes. Elle occupe, dans l’une et dans l’autre, le quatrième rang, venant après l’Angleterre, (127 et 94), les Etats-Unis (67,6 et 36,5), l’Allemagne (63,4 et 72). Les transactions franco-chiliennes accusent un progrès sensible en 1910 sur 1909. (D’après un rapport de M. Albéric Néton, consul de France à Valparaiso, publié en novembre 1911 par le Moniteur Officiel du Commerce.)