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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/333

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« au fond de la remise d’un cabriolet, le moment où le favori devait revenir de Versailles, pour savoir ce qu’il avait fait en sa faveur[1]. »

Nul témoignage autorisé ne confirme cette assertion, qui émane, disons-le, d’un notoire ennemi de Necker. Tout au contraire, les archives de Coppet contiennent des lettres de Pezai adressées à Necker pour le complimenter de son avènement au pouvoir, lettres d’un ton fort déférent, qui ne font aucune allusion à des services rendus. Et cela seul suffit à rendre l’anecdote douteuse[2]. D’ailleurs Necker, à cette époque, n’avait réellement pas besoin d’un semblable auxiliaire, ni d’un porte-parole pour prôner ses mérites. Depuis quelque temps, en effet, il était en rapports directs avec le conseiller du maître et lui adressait des mémoires sur les affaires publiques. Il avait même avec Maurepas de longs et fréquens entretiens, que prolongeait une correspondance amicale, et Maurepas consultait Necker sur la plupart de ses projets. Lorsqu’il imagina sa fameuse division dans les services du contrôle général, c’est à Necker qu’il s’en ouvrit d’abord, ce fut à lui qu’il demanda conseil.

La réponse qu’il reçut mérite d’être citée ; elle est curieuse à plus d’un titre. Necker constate, en commençant, que la nouvelle de la combinaison projetée s’est répandue plus vite qu’on n’aurait cru et qu’« on en a parlé la veille chez Mme du Deffand ; » il proteste n’être pour rien dans cette divulgation, tout en disant que la mesure est généralement approuvée ; puis, abordant de front les questions personnelles et le choix de celui qu’on adjoindrait à Taboureau : « Il ne m’est venu, écrit-il[3], aucune idée sur la personne propre à cette fonction. Il arrive souvent qu’on ne peut indiquer les hommes qu’on connaît, par cela même qu’on les connaît. Ce que je désire

  1. Mémoires de Soulavie, tome IV.
  2. Notons aussi que Necker, une fois au pouvoir, refusa à Pezai la succession, qu’il convoitait, de Trudaine aux Ponts-et-Chaussées et que la disgrâce du marquis suivit de près le ministère de son prétendu obligé. Pezai, se croyant assez fort, avait eu l’imprudence de glisser, dans ses lettres au Roi, quelques critiques et persiflages au sujet de Maurepas. Celui-ci en fut informé, très probablement par Louis XVI, et se vengea du personnage en le faisant nommer « inspecteur des côtes-maritimes, » ce qui l’éloignait de Paris. Pezai en fut si vivement affecté, que ce renvoi, dit-on, amena sa fin précoce. Il succomba à Blois, le 6 décembre 1777, à l’âge de trente-six ans.
  3. Brouillon conservé dans les archives de Coppet.