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et que les immeubles les plus exigus de la capitale rapportaient au minimum 400 francs, alors que l’on en trouvait encore de 70 à 85 francs à Nantes, Limoges, Boulogne, Nîmes ou Soissons, de 36 à 47 francs à Meaux, Evreux ou Clermont-Ferrand. Ceux-là étaient évidemment des masures ; ils consistaient en une simple chambrette.

Au temps de Voltaire, Mlle Deschamps, beauté célèbre et « danseuse dans les chœurs » à l’Opéra, avait rue Saint-Nicaise 10 pièces de plain-pied, consistant, d’un côté en salle à manger, antichambre et « pièces de compagnie, » dont un « salon à trois fenêtres, » le tout « orné de glaces ; » de l’autre en « appartement à coucher » avec les garde-robes et « cabinet de lieux à l’anglaise (1760). »

Ce dernier local était alors une rareté ; tandis qu’on trouvait assez fréquemment dans les Petites Affiches l’offre d’ « appartemens ornés de peintures de Largillière, » en dessus de portes ou de cheminées ; et cela pour des logis assez communs, situés le long de voies médiocres où deux voitures pouvaient à peine se croiser, comme la rue Geoffroy-Langevin. Maintenant qu’un tableau de maître du XVIIIe siècle se rend à plus haut prix que nombre de maisons du Marais, les peintures et sculptures d’art sont devenues un luxe à portée des seuls richissimes. Simple loi de l’offre et de la demande.

Le bourgeois avait décoré sa façade de moulures à grand relief, de cordons superposés et de rinceaux de feuillage frisés qui ne lui coûtaient pas cher, au temps où un « maître-tailleur d’images, » qui s’appelait Jehan Goujon, faisait une tête de chérubin pour 36 francs, et une statue de la Vierge avec les quatre Evangélistes « à demi-taille » pour 1 900 francs ; où Germain Pilon, autre « imagier, » recevait 240 francs pour trois statuettes de marbre, et 2 500 francs pour huit figures d’un mètre de haut, en ronde bosse, sur marbre blanc (1559).

Sous les Valois on pouvait, à bon marché, passer pour un protecteur des arts : la frise de festons, « composée de fruitages avec petits enfans et oiseaux y entremêlés, » qui orne le second étage de la cour intérieure du Louvre, fut payée 1 300 francs à Pierre L’Heureux et à trois de ses confrères. Deux autres artistes, pour 3 100 francs, se chargèrent d’une bonne partie des sculptures de la façade du Louvre, « du côté de la rivière, » telles que mufles de lions et festons de chêne,