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Notre confort n’est pourtant pas un bien plus certain que ne l’étaient jadis la magnificence ou la force. C’est sans doute aussi une illusion, fondée sur la comparaison, sur l’habitude. Ainsi ce n’est pas le manque d’eau qui empêchait nos pères d’installer des canalisations intérieures dans leurs hôtels ou leurs châteaux, puisque les personnages opulens avaient, grâce à des machines hydrauliques, doté leurs parterres de fontaines qui « jetaient très haut et très gros, » parfois jusqu’à la hauteur des combles, et que rien, une fois la dépense faite d’élever ainsi ces eaux pour le plaisir, ne leur eût été plus facile que d’en introduire à l’intérieur un peu pour la propreté. Mais la propreté laissait à désirer, même chez les princes : « Sa Majesté, dit une ordonnance de Henri III, veut que tous les matins, avant qu’elle soit éveillée, l’on fasse balayer et ôter les ordures qui sont dans la cour, sur les escaliers et dans les salles de son logis, sans qu’il y ait plus de faute. »

Depuis la chute des civilisations grecque et romaine où les bains tenaient la place importante que l’on sait, leur usage avait été en diminuant. On voyait encore beaucoup d’étuves publiques au XIIIe siècle ; au XVe, bien des maisons, « en lesquelles soûlaient avoir étuves à hommes, » n’en possèdent plus. Les 33 « barbiers-étuvistes » de la capitale, au XVIIe siècle, s’ils ne se contentent pas de « faire le poil, » aspirent, malgré les « barbiers-chirurgiens, » à « s’entremettre en l’exercice de la chirurgie ; » ou, s’ils exerçaient le métier de « baigneurs, » leurs établissemens avaient un rôle moins innocent que l’enseigne ne le ferait supposer. On trouvait chez eux, sur les bords de la Seine, des distractions de divers genres ; d’où peut-être le sobriquet d’« huissiers de la Samaritaine, » qui désignait les proxénètes au temps de la Fronde.

Non que les bains fussent totalement tombés en désuétude : Catherine de Médicis avait des étuves au deuxième étage de son hôtel, près Saint-Eustache. Les baignoires étaient de « grandes cuvelles en bois, » comme il en est fourni, pour 133 francs, à la reine de Hongrie dans les Flandres (1533). Anne d’Autriche avait une « cuvette en argent à laver les jambes » du prix de 2 300 francs, et l’on voit même à cette époque une grande cuve d’argent de 20 000 francs. Sous Louis XV c’était en cuivre rouge que se faisaient, chez les riches, la baignoire avec sa chaudière et ses robinets, dorés parfois d’or moulu.