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échappe enfin à l’ingérence de la commune, elle a pour ainsi dire révolutionné la vie rurale ; mais cette révolution, pour être profonde, n’en est pas moins pacifique, comme il convient. Quoi qu’il en soit, les nombreux inconvéniens qui résultaient de l’exploitation communale, et qui conduisaient les paysans à l’inaction et à la ruine, ont rendu nécessaire la réforme, qui vise surtout à les supprimer.

La commune, en Russie, est aussi ancienne que le servage ; elle a ses privilèges : n’y entre pas qui veut, n’en fait pas partie qui le désire ; pour appartenir à la commune, il faut être né paysan. C’est d’ailleurs une unité qui a depuis longtemps fait ses preuves et qui, dans un passé déjà long, a vécu non sans mérite, nous le reconnaissons bien volontiers. Mais elle se meurt actuellement, parce que le mode d’exploitation qu’elle a créé ne répond plus aux nécessités actuelles. En effet, elle ne se contentait pas de gêner, d’entraver l’initiative privée, elle l’empêchait de naître, l’écrasant en germe, et les plus tenaces de nos paysans venaient se briser contre les obstacles qu’elle avait dressés devant eux, ainsi qu’on le verra plus loin.


BUT DE LA RÉFORME ACTUELLE

La réforme actuelle est le couronnement de l’œuvre entreprise, il y a un demi-siècle, au moment de l’émancipation des paysans. Le manifeste impérial du 19 février 1861, et les lois agraires ultérieures ont assuré la liberté du travail de la terre, et attribué aux agriculteurs environ 109 millions de déciatines[1] de terrains qui appartenaient à des propriétaires particuliers ou à l’Etat. Ces propriétés devaient, par voie de rachat, passer en pleine possession des petits cultivateurs et servir de base à leur bien-être.

« Les paysans, disait le manifeste précité, auront le droit de racheter leurs fermes, et, avec le consentement des propriétaires, ils pourront acquérir en toute propriété, pour en jouir de façon permanente, les terres arables et autres dépendances qui leur sont concédées, nadiel[2]. Par l’acquisition en toute

  1. La déciatine = 109 ares 32.
  2. Le nadiel désigne les terres reçues par les paysans avec l’émancipation, et gérées par la commune.