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chez Mme Mac Miche, ou chez Juliette dans son jardin et qu’il soit enfant ou jeune homme, il y a dans la destinée de Charles un trait toujours pareil, et si inattendu ! Il est sans cesse entouré de fées. Il en sort de tous les coins. C’est un pullulement. Il y a Mab et Titania, celles de Shakspeare, celles de Mme d’Aulnoy, toutes les fées connues et d’autres qu’on appelle les « fées du subconscient, » quelque chose comme des fées de Sorbonne issues des livres de Hartmann et de Guyau. Charles Mac Lance est en outre un furieux idéaliste et un phraseur impitoyable. Tout lui est prétexte à développemens imagés et émus. Trop de fleurs ! Trop de fées ! Trop de tirades !

Et parfois cela ressemble à certains morceaux d’Edmond Rostand. C’est bien regrettable. Ceux qui aiment la manière d’Edmond Rostand sont un peu affligés de la retrouver ainsi transposée quelques tons au-dessous. Pourquoi donc n’exprimerai-je pas en terminant le regret que ces choses, agréables sans plus, nous arrivent de ce même Cambo où ne devrait fleurir et s’épanouir que la poésie d’un seul poète ? Si j’avais été directeur de théâtre, il me semble que j’aurais accueilli les auteurs du Bon petit Diable avec toute l’amabilité dont je suis capable et que je leur aurais tenu à peu près ce langage : « Votre pièce est charmante, pas très gaie, pas très en relief, mais il y a beaucoup de facilité. Je vous en fais tout mon compliment… Et je ne la jouerai pas… Je prive mon théâtre d’un succès. Mais pour moi il n’y a qu’un Rostand. Assez de gloire poétique s’est attachée à ce nom : il y en a pour plusieurs générations. Dans l’histoire des lettres, l’atelier familial n’a jamais donné de très heureux résultats. On peut très bien vivre sans faire de littérature. Vous ne le croyez pas ? Faites donc des romans, de l’histoire, de la pédagogie, qui est si à la mode, et même des conférences : laissez les vers à Edmond Rostand, qui les fait très bien. » Mais je crois que mon amabilité aurait été peu goûtée ; et d’ailleurs, j’aurais été un directeur de théâtre détestable.

M. Galipaux, dans le rôle de Mme Mac Miche, est d’une fantaisie tout à fait divertissante. Le reste de l’interprétation est assez terne.


RENE DOUMIC