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de la salle où il est exposé. Si bien que, désormais, pendant les deux années qui ont suivi son mariage, c’est à sa chère femme qu’il a confié l’honneur de remplacer la maîtresse de naguère dans le rôle artistique tenu jusque-là par cette créature. Il est vrai que nulle part Elisabeth ne semble lui avoir servi de modèle pour des sujets profanes ; mais soit qu’il s’amuse à dessiner un nouveau projet de vitrail, — le plus parfait, peut-être, qu’il nous ait laissé, — où Marie, debout dans une niche, reçoit complaisamment l’hommage d’un chevalier barbu agenouillé devant elle ; ou qu’il peigne, en l’année 1522, pour une église de Soleure, un magnifique tableau d’autel représentant la Vierge assise entre les deux saints patrons de la ville, c’est l’inoubliable figure du portrait de la Haye qui non seulement y reparait sous nos yeux, mais qui même nous y accueille avec un petit sourire de jeune mère à la fois heureuse et craintive, — phénomène bien significatif dans l’œuvre d’un maître qui, d’ordinaire, semble avoir complètement ignoré l’attrait poétique et la portée expressive d’un sourire sur des lèvres humaines. Ou plutôt je crois bien qu’elle nous sourit encore une troisième fois, la jeune femme d’Holbein, dans cette Adoration des Bergers de la cathédrale de Fribourg où le peintre a pressenti, avec sa maîtrise infaillible, le fameux effet de la Nuit de Corrège ; et lorsque, dans le petit panneau de Bâle où il l’a chargée de figurer l’authentique Mater Dolorosa, le caractère du sujet l’a empêché de nous la montrer souriante à nouveau, comme nous sentons du moins qu’il a gardé pour elle l’affection ravie qui lui a, jadis, inspiré son portrait de la Haye ! Et puis, voici une dernière apparition d’Elisabeth, Holbein dans l’art du maître, — jusqu’au jour où celui-ci, en 1529, se résignera à nous révéler ce qu’il a fait de la grâce limpide et de la discrète gaîté, du sourire ineffablement attirant de sa jeune femme : c’est, toujours à Bâle, sur le volet droit de la peinture en grisaille destinée à décorer l’orgue nouveau de la cathédrale. Dans cette haute et splendide figure de Vierge, où l’on dirait que Marie tâche à défendre d’un ennemi invisible l’enfant (d’ailleurs assez informe) qui dort sur son épaule, nous retrouvons pour la dernière fois le modèle du portrait parfumé du musée de la Haye, — mais déjà bien changé, mûri et comme « spiritualisé » par l’épreuve de la vie, sinon encore accablé sous son poids.

Et puis, dès ce moment, — ou sans doute même depuis une date antérieure à celle de ces volets d’orgue de la cathédrale, — c’est Madeleine d’Offenbourg qui reprend sa place d’autrefois, dans les tableaux et