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une soirée parlementaire ; Windthorst y parut. Son entrée provoqua l’émotion. Tous les regards s’attachaient à lui : myope, il ne les voyait pas, mais il les sentait. Le chancelier se hâta vers lui, soutint sa marche à travers le salon, le présenta aux dames ; et puis ils causèrent longuement, avec le comte Flemming, un député national-libéral, entiers. On parla de bière et, faisant un jeu de mots au sujet de la bière dite des Franciscains, le chancelier dit en riant : Le vent de Rome a tourné, les Franciscains m’envoient maintenant ce qu’ils ont de meilleur. On parla du Bowle de mai, un autre excellent rafraîchissement. Précisément Bismarck avait en main un verre de Bowle ; il en renversa quelques gouttes sur son interlocuteur. Alors, en présence de toute l’Allemagne politique, le chancelier, saisissant une serviette, courba sa haute taille pour essuyer lui-même le petit guelfe ; la princesse de Bismarck survint, aida l’opération. A la vue de ce singulier groupe, un députe ; murmurait : Dans quelle singulière constellation nous trouvons-nous ! On plaisantait : députés de toutes nuances saluaient Windthorst comme le chef d’une fraction nouvelle, où ils entreraient. On voulait savoir ce que Bismarck lui avait dit, et Windthorst répondait avec la dignité d’un augure : Extra Centrum nulla salus.

Au Reichstag, le 8 mai, le national-libéral Bamberger osait constater que ce n’était pas le Centre qui passait dans le camp du chancelier, mais le chancelier qui passait du côté du Centre. Alors Windthorst relevait la remarque ; il la confirmait avec une insistance maligne ; il faisait observer qu’en effet le manifeste protectionniste des 204 était antérieur à l’évolution gouvernementale. Cependant, que le Centre fût devenu, comme le soutenait Bamberger, le noyau de l’armée bismarckienne, cela, Windthorst le niait. « Assurément, rien ne nous serait plus agréable, disait-il, que de combattre toujours aux côtés de M. le chancelier. » Il parlait avec un sourire, et puis survenaient les paroles amères : « Tant que se prolonge la détresse du peuple, tant que nos évêques sont en exil, tant que dure le veuvage de plus de mille paroisses, tant que le culte et les sacremens sont des délits, nous garderons, vous le comprendrez, la position que nous avons prise. » Mais sans retard, au refus de désarmement succédait une esquisse de caresse :


Cela ne nous interdit pas devoir avec satisfaction qu’il y a un domaine où nous puissions, de toute notre énergie, soutenir au moins