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UNE
PHILOSOPHIE NOUVELLE

M. HENRI BERGSON

II[1]
LA DOCTRINE

Les sciences proprement dites, celles que l’on est convenu d’appeler positives, se présentent comme autant de points de vue sur la réalité, de points de vue extérieurs et périphériques. Elles nous laissent au dehors des choses, qu’elles se bornent à investir de loin. Les vues qu’elles en donnent ressemblent aux perspectives sommaires qu’on obtient d’une ville quand on la regarde, sous divers angles, du haut des collines qui l’entourent. Moins que cela même : car, bien vite, par un progrès de l’abstraction, les vues colorées font place à des croquis schématiques, voire à de simples notes conventionnelles d’un usage plus pratique et plus rapide. Ainsi les sciences restent prisonnières du symbole, avec tout ce que son emploi entraîne d’inévitable relativité. Mais la philosophie prétend descendre à l’intérieur du réel, s’installer dans l’objet, en suivre les mille détours et replis, en obtenir un sentiment direct et immédiat, en pénétrer jusqu’au cœur l’intimité concrète : elle ne se contente pas d’une analyse, elle veut une intuition.

  1. Voyez la Revue du 1er février.