Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/868

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’armistice, ainsi que Belfort. J’ai entendu dire : « Nous réservons l’armée de l’Est, parce que Bourbaki pourrait très bien être plus heureux que nous ne l’avons été jusqu’ici. » — Il n’en a pas été question devant les autorités prussiennes ? — Non. — Saviez-vous, le 28, quelle était la triste situation de l’armée de l’Est ? — C’est le 1er février que M. de Bismarck a lu devant moi à, M. Jules Favre une dépêche annonçant l’entrée en Suisse de 80 000 hommes de l’armée de l’Est. — Ne savez-vous rien de plus ? — Non. — Lorsque M. de Bismarck vous disait : « Mes troupes sont ici ; les vôtres sont là, » vous vous en rapportiez à lui ? — Oui. — Vous pouviez être facilement trompé ! — Je n’ai fait qu’obéir aux ordres qui m’étaient donnés. — Quand vous êtes arrivé, quelles étaient les prétentions des Prussiens ? — Tout ce qu’ils ont demandé, on le leur a donné. Les limites ont été fixées et déterminées par eux… Maintenant, quant à la frontière de l’Est, elle a été arrêtée en dehors de moi. Je n’y suis pour rien. »

Voilà dans quelles conditions lamentables nos inhabiles et ignorans négociateurs ont subi les exigences de l’ennemi triomphant ! Aussi, comprend-on le cri de fureur échappé sur le moment à Gambetta : « Celui qui a signé un tel armistice est un misérable ! »

Le 13 février, le général Trochu, qui avait offert à Jules Favre de l’accompagner à Versailles et qui avait eu le tort de céder à l’opposition de ses collègues qui ne voulaient pas que le chef du gouvernement allât traiter en personne, a essayé de plaider ainsi les circonstances atténuantes : « LL. EE. le général comte de Moltke et le comte de Bismarck savaient dans quelles conditions de bonne foi M. Jules Favre, assisté du général de Valdan, a traité devant eux de l’amnistie. Il ignorait, par suite des rigueurs de l’investissement de Paris, ce que faisaient les troupes françaises du dehors et où elles étaient. Le temps et les-moyens manquaient absolument pour prendre des informations à cet égard. Il en résulte que le tracé de délimitation des zones à occuper ou à neutraliser a été fait selon des vues dont l’armée allemande devait avoir le principal bénéfice… Les mêmes raisons d’ignorance et d’impossibilité ont déterminé l’ajournement admis au sujet de l’armistice pour les départemens de l’Est comme pour les troupes qui s’y trouvent. Et ce fait singulier s’est produit qu’un armistice, qui devait être nécessairement