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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/875

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Vienne la mort, mon âme a dépassé les bornes,
Mon esprit comme un astre aux cieux s’est projeté,
J’ignorerai l’abîme humiliant et morne,
Mon cœur dans la douleur eut son éternité !


L’EXIL


Je n’ai vu qu’un instant les pays beaux et clairs,
Sorrente, qui descend, fasciné par la mer,
Tarente, délaissé, qui fixe d’un œil vague
Le silence entassé entre l’air et les vagues ;
Salerne, au cœur d’ébène, au front blanc et salé,
Où la chaleur palpite ainsi qu’un peuple ailé ;
Amalfi, où j’ai vu de pourpres funérailles
Qu’accompagnaient des jeux, des danses et des chants,
Surprises tout à coup, sous le soleil couchant.
Par les parfums, croisés ainsi que des broussailles…
Foggia, ravagé de soleil, étonné
De luire en moisissant comme un lys piétiné ;
Pompéi, pavoisé de murs peints qui s’écaillent ;
Paestum qu’on sent toujours visité par les dieux,
Où le souffle marin tord l’églantier fragile,
Où, le soir, on entend dans l’herbage fiévreux
Ce long hennissement qui montrait à Virgile,
Ebloui par son rêve immense et ténébreux,
Apollon consolant les noirs chevaux d’Achille…

— Ces rivages de marbre embrassés par les flots,
Où les mânes des Grecs ensevelis m’attirent.
Je ne les ai connus que comme un matelot
Voit glisser l’étendue au bord de son navire ;
Ce n’était pas mon sort, ce n’était pas mon lot
D’habiter ces doux lieux où la sirène expire
Dans un sursaut d’azur, d’écume et de sanglot !
Loin des trop mois climats où les étés s’enlizent,
C’est vous mon seul destin, vous ma nécessité,
Rivage de la Seine, âpre et sombre cité,
Paris, ville de pierre et d’ombre, aride et grise,
Où toujours le nuage est poussé par la brise,