Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/927

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de luttes sans issue est assez pénible, et d’ailleurs fatigant par sa monotonie. Pendant une bonne moitié de la pièce, la même scène se répète, un grand nombre de fois, avec la seule différence d’un crescendo dans la violence. Qu’aurait-il fallu pour la rendre moins dure, et plus vraiment émouvante ? Nous faire mieux comprendre, et partant aimer un peu plus, celui dont le rôle détermine toute l’action et qui est le jeune Richard Burdan. C’est vrai qu’avant son arrivée tout allait fort convenablement. M. Villaret donnait à l’ex-Mme Burdan un bonheur qu’elle n’avait pas connu du temps de son coureur de premier mari. Il était un beau-père remarquablement débonnaire, supportant la présence du jeune Georges, un de ces enfans charmans, dont les impertinences ravissent le public, et auxquels on aurait tant de plaisir à administrer une magistrale fessée. Richard revenu, tout change. Pourquoi ? Peut-être parce qu’il est un de ces êtres de discorde dont la seule présence déchaîne la guerre. Alors nous aurions plaint une famille victime tout entière du triste caractère d’un seul, ce qui n’est pas rare. Ou peut-être parce qu’avec une âme particulièrement tendre, ayant conservé au père que la mort lui a pris un culte enthousiaste et pieux, il soutire trop et ne peut se résigner. À cette détresse intime nous n’aurions pas refusé notre sympathie, et c’aurait été pour un écrivain psychologue la matière d’une étude âpre et délicate. Mais l’âme de Richard Burdan nous reste étrangère. Est-ce un insociable ? Est-ce un malheureux ? De là une obscurité qui règne sur toute la pièce et empêche que nous y prenions complètement plaisir.

Les deux rôles principaux, ceux de Villaret et de Richard, ont trouvé en MM. Gémier et Capellani des interprètes excellens. Mais est-il besoin de dire que Mlle Eve Lavallière, sous les traits du collégien Georges, a été la joie de la soirée ?


RENE DOUMIC.