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nous ne saurons jamais au juste ce qu’elles auraient donné si elles avaient été réalisées. Rien n’est plus facile, après coup, que de reconnaître et de dénoncer les défauts de la politique qui a été faite et de lui opposer les mérites de celle qui ne l’a pas été ; mais toutes ont leurs inconvéniens, et, l’esprit humain n’étant pas infaillible, il faut admettre que toutes, dans la pratique, auraient été accompagnées de quelques fautes d’exécution. Ces fautes ont été un peu plus nombreuses que de raison pendant nos derniers ministères, et les interventions personnelles de M. Caillaux, avec ses procédés propres, les ont encore multipliées et aggravées : mais, cela admis, que faut-il faire maintenant ? Repousser le traité, a déclaré la droite. Ne pas le voter, a affirmé M. Pichon. Si nous prenions une résolution semblable, quelles en seraient les suites ? ont demandé M. Ribot et M. Poincaré. Il n’y a pas aujourd’hui d’autre question.

Nous laissons la parole à M. Ribot, en résumant toutefois ce passage de son discours : « Quelle serait, a-t-il dit, notre situation au Maroc et en Europe, si vous rejetez le traité ? Est-ce que vous garderez la prétention d’établir votre protectorat sans qu’il soit reconnu par l’Allemagne et les autres puissances ? Est-ce que vous maintiendrez les 27 000 hommes qui sont aujourd’hui au Maroc ? Si c’est là ce que vous voulez, monsieur Pichon, il faut le dire et oser le faire clairement. J’imagine qu’avant de prendre une semblable résolution, vous jugeriez nécessaire d’avoir l’avis, le sentiment de nos alliés et de nos amis. Mais quoi ! ils ont déjà répondu : ils nous ont conseillé d’être concilians au cours des négociations, et, le lendemain, ils ont reconnu notre succès. Donc, si vous ne pouviez compter ni sur l’appui de l’Angleterre, ni sur celui de la Russie, est-ce que vous accepteriez de faire courir à ce pays les chances d’un conflit dans de pareilles conditions ? C’est la question que je vous pose : si vous avez quelque chose à dire, dites-le. Et si nous ne voulons pas. passer outre, établir d’autorité notre protectorat, quelle sera notre situation ? Nous devrons alors retirer nos troupes, et qu’est-ce que cela ? C’est l’abandon du protectorat, c’est l’abandon du Maroc, c’est l’abandon de tout ce que nous avons acquis, si péniblement et à tant de frais, depuis plusieurs années. L’Islam tout entier y verrait une sorte de désertion du rôle que nous avons assumé et la preuve que nous ne sommes pas capables de le remplir. Cependant l’Angleterre n’abandonnerait pas l’Egypte, l’Italie n’abandonnerait pas la Tripolitaine, et soyez sûr que l’Espagne ne s’en irait pas de la zone qui lui a été attribuée ; de sorte que tous