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V

Ce n’est pas pour en arriver là que le pays a consenti tous les sacrifices dont nous avons vu le retentissement individuel. Car il y a l’autre face de cette situation. L’Inscription maritime coûte très cher à l’État. Il verse les demi-soldes et les secours. Sa subvention annuelle à la caisse des Invalides, d’au moins 13 millions en moyenne, en dépassera 16 cette année ; il constitue de la sorte, pour une catégorie de travailleurs, des retraites prises dans la poche des contribuables. Il fait remise des impôts et patentes qu’il pourrait lever. Il occupe à la tutelle des populations maritimes un personnel administratif nombreux. Le littoral de la France et de l’Algérie se trouve encore divisé, de par une ordonnance de 1784, antérieure au télégraphe et au chemin de fer, en 79 quartiers dirigés chacun par un ou plusieurs administrateurs. Certains quartiers ne comptent pas 400 inscrits navigans et n’en envoient chaque année qu’une dizaine au service de la flotte. Au lieu de réduire cet état-major administratif, le Parlement ne cesse de l’accroître, et l’a fait encore tout récemment. Les deux chapitres du budget relatifs aux pèches et à la navigation maritime sont montés depuis 1907 de 1 104 000 francs à 1 900 743. La loi récente sur la sécurité de la navigation crée de nouveaux inspecteurs répartis entre 33 ports, et dont certains n’auront parfois que trois ou quatre navires à visiter par an.

N’oublions pas qu’il en coûte à l’État non seulement pour soutenir ces mesures de protection à l’égard du personnel, mais encore pour compenser vis-à-vis de l’armement les charges imposées par le monopole des inscrits. Aux frais de l’Inscription maritime s’ajoutent les primes à la marine marchande, 150 millions, répartis sur dix ans aux termes de la loi de 1906.

Si l’État croit faire ainsi tout le nécessaire pour sauver notre commerce, il est bien mal payé de ses avances. Comme les primes, l’Inscription maritime comporte une libéralité en argent entourée de formalités et de restrictions, qui matériellement en contrarient les effets et moralement entraînent des conséquences plus néfastes que les secours ne sont profitables. Aussi, malgré les lois qui, périodiquement, prétendent en assurer le relèvement, notre marine marchande décline-t-elle. Pour le tonnage, elle ne