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relations de la France avec l’Allemagne dans la période dont nous abordons l’étude, il faut bien voir d’abord qu’elles ne résultent plus uniquement des dispositions respectives des deux pays et des deux gouvernemens vis-à-vis l’un de l’autre, mais qu’elles se trouvent souvent impliquées dans la rivalité croissante de l’Angleterre et de l’Allemagne. Ce grand fait domine l’histoire politique de notre époque. C’est surtout du point de vue britannique qu’il faut regarder les affaires européennes et la carte du globe pour trouver la clé du rapprochement franco-anglais et l’origine des difficultés qui allaient surgir entre la France et l’Allemagne. Il arrive que certaines initiatives, qui paraissent venir de Paris, sont en réalité ou suggérées directement, ou indirectement inspirées par Londres.

Lord Chatam avait dit : « Notre premier devoir est que la France ne devienne pas une puissance maritime, commerciale et coloniale. » L’Angleterre, pendant tout le XIXe siècle, vécut sur ce mot d’ordre. Vers l’année 1900, il est avéré que la France restera une puissance maritime, commerciale et coloniale, mais au second rang ; il est admis qu’elle aura sa part, mais modeste et hors de proportion avec le colossal empire britannique auquel elle renonce à disputer le commandement des mers et la prépondérance dans les continens nouveaux. Donc, de ce côté, question réglée. L’Allemagne, au contraire, grandit, accroît sa marine, enlève à l’Angleterre ses marchés, ses cliens, et menace directement sa suprématie. Que la France oublie, ne fût-ce que provisoirement, ses griefs contre l’Allemagne, pour se souvenir d’abord des procédés « peu amicaux » de l’Angleterre dans les affaires du Niger et du Nil, qu’elle réalise une entente maritime et coloniale avec l’Allemagne, qu’à l’alliance franco-russe, l’Allemagne vienne joindre sa force militaire et économique, le péril, pour l’Angleterre, deviendra imminent, ses flottes se trouveront presque égalées, ses colonies menacées, son empire mis en péril en Asie et en Afrique. Cette perspective inquiétante devint un danger pressant, effrayant, au lendemain de Colenso et de Magersfontein. Le colosse britannique, tenu en échec par quelques poignées de cavaliers Boers, chancelait sur sa base. En 1900, l’Angleterre a tremblé : c’est l’explication de toute sa politique dans les années qui ont suivi. Dans ce pays de l’empirisme philosophique, l’expérience de la guerre du Transvaal suffit à convaincre le gouvernement