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c’est les périphrases, c’est l’horreur du mot propre, c’est « les termes les plus généraux, » c’est les jeux d’esprit, c’est la frivolité de salon, etc. Or, en ce faisant, le romantisme est déjà réaliste et presse le réalisme d’éclore. Tout cela, c’est le retour à la vérité et à la réalité ; c’est du réalisme et du meilleur. En versification même, — j’oubliais, — la variété, la diversité de la métrique et de la rythmique, le retour à la multiplicité des formes rythmiques en honneur au XVIe siècle et l’invention de rythmes nouveaux est un effort vers la réalité, c’est-à-dire vers l’adaptation du rythme à la pensée, substituée à l’adaptation de la pensée au rythme convenu et conventionnel. On ne dira jamais tout ce qu’il y a de réalisme dans le romantisme. Là-dessus multitude d’exemples à l’appui, parmi lesquels se joue l’érudition très étendue et très sûre de M. Pellissier. On ne peut lire un livre plus suggestif et plus instructif que celui de M. Pellissier.

Et maintenant, je discuterai.

Il faut commencer, — malheureusement peut-être, — par des définitions. Je tâcherai de les faire les plus concrètes que possible. En son objet, le classicisme, même déjà chez Corneille et pleinement chez Molière, chez La Fontaine, chez Racine et chez Boileau est la soumission à la vérité et l’amour de la vérité. Mais de quelle vérité ? De la vérité psychologique générale, je ne dis pas la plus générale, ce serait un excès et dans cet excès ne sont pas tombés les classiques, mais de la vérité psychologique générale, assez générale, telle que les générations les plus éloignées les unes des autres puissent fort aisément s’y reconnaître.

Charpentier recevant La Bruyère à l’Académie française le prévenait charitablement que son œuvre baisserait dans l’estime des hommes parce qu’elle s’appliquait aux mœurs du temps et n’aurait plus la même saveur quand les originaux auraient disparu, remplacés par d’autres qui à leur tour devraient être peints. La remarque est très fine, et même vraie, à cela près que dans les Caractères il y a, comme a dit Voltaire, des choses de tous les temps et de tous les lieux ; à cela près aussi que les peintures, dans La Bruyère, qui ressortissent exclusivement aux choses de son siècle nous intéressent comme documens historiques. Mais enfin, la remarque de Charpentier est bien dans l’esprit du temps ; les artistes du XVIIe siècle s’attachent