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faire capituler directement la Porte, soit d’amener les puissances à intervenir entre elle et eux et à imposer la paix.

Il est douteux que les moyens employés pour faire capituler la Porte soient efficaces, car ils ne l’attaquent pas dans ses œuvres vives et n’augmentent pas sensiblement pour elle le poids de la guerre. Un fort a été bombardé à l’entrée du Bosphore, mais le détroit n’a pas été forcé et les Italiens ne semblent pas devoir en tenter l’aventure : ils se sont contentés d’occuper deux îles dans la mer Egée. Sans doute en occuperont-ils encore quelques autres par la suite, sans que la Porte s’en émeuve beaucoup. Il en serait autrement si les Italiens devaient garder les îles dont ils s’emparent, mais ils annoncent eux-mêmes que cette prise de possession est temporaire : non pas qu’ils ne soient désireux de passer du provisoire au définitif, s’ils le peuvent, mais parce qu’ils savent bien qu’ils rencontreraient des objections et probablement des résistances de la part de l’Europe le jour où, la guerre étant finie, ils voudraient conserver leurs faciles conquêtes. L’équilibre de la Méditerranée en serait effectivement changé, perspective que plusieurs puissances ne considéreraient pas comme indifférente. Quel que doive être l’avenir, l’Italie commence par prendre : on verra ensuite. Le droit de la guerre l’y autorise sans conteste : mais la Porte reste immobile et attend les événemens.

L’Italie réussira-t-elle mieux dans son désir d’amener les neutres à proposer ou à imposer leur médiation, pour faire cesser une guerre qui porte atteinte à leurs intérêts ? Il est plus difficile de le dire avec certitude pour l’avenir : tout ce qu’on peut constater, c’est qu’elle n’y a pas réussi encore. Le bombardement d’un fort sur le Bosphore a amené la Porte à fermer les Dardanelles ; elle a notifié cette fermeture aux Puissances et l’a rendue effective au moyen de mines qui empêchaient sans doute la flotte italienne d’entrer, mais aussi les navires de commerce des autres nations de sortir. Ils se sont accumulés en nombre considérable dans la mer de Marmara. Si les Italiens se sont proposé de mettre en cause les intérêts des neutres, ils ont cette fois atteint leur but. Les neutres ont souffert et ils ont fait entendre des observations à la Porte, sur des modes à la vérité différens. La Russie a été particulièrement énergique, ce qui était tout naturel, son commerce étant celui qui avait le plus à souffrir de la clôture du détroit : elle a toujours employé le ton amical, mais ce ton a été de plus en plus ferme et il le serait sans doute devenu encore davantage si la situation s’était prolongée. La Russie a même été jusqu’à contester à la Porte le droit de fermer les Dardanelles,