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entre leurs mains. Le gouvernement actuel peut se tromper, mais il a des vues plus hautes et il a élargi autour de nous l’horizon politique que ses devanciers s’étaient appliqués à rétrécir de manière à le garder toujours à leur portée. En cela, il a bien mérité de ceux qui rêvent d’une France toujours plus grande, enveloppée d’une atmosphère toujours plus saine. Dans son discours au banquet du parti radical, M. Combes, après avoir reconnu que les récentes élections municipales s’étaient faites au milieu d’une certaine inattention qu’il a déplorée, en a rejeté la faute d’abord sur le gouvernement, puis sur la Chambre, « qui a consommé, a-t-il dit, la plus grande partie de sa session ordinaire en une série de discussions aussi oiseuses, aussi confuses en elles-mêmes qu’indifférentes à la généralité des Français, » de sorte qu’ « il n’existait aucun mouvement d’opinion susceptible de remuer les partis et de les faire se dresser les uns contre les autres. » M. Combes, on le sait, a un autre idéal : il aime qu’on se batte. Mais la lutte religieuse, qui est proprement son affaire, a produit tout ce qu’elle pouvait produire ; on en est lassé, écœuré, la nouvelle génération veut autre chose. Que lui propose M. Combes dans son discours tout négatif ? Rien, nous l’avons dit. M. Poincaré, dans le sien, fait entrevoir de grandes réformes et il oriente les esprits vers elles. C’est de cela que nous lui savons gré.


Les nouvelles du Maroc sont meilleures : nous nous contenterons pour aujourd’hui de les noter sans essayer d’en tirer des conséquences qui seraient encore prématurées. On ne saurait trop répéter, pour épargner à l’opinion des surprises pénibles, que nous ne sommes qu’au début d’une affaire de longue haleine, qui exigera de notre part un effort prolongé ; mais, depuis l’arrivée du général Lyautey, l’action militaire a pris une allure plus vive et plus résolue. Il est vrai que les tribus insoumises n’ont pas laissé au général le choix des opérations à entreprendre ; elles ont livré assaut à Fez avec une véritable furie, au point que, profitant de la nuit, quelques-uns des assaillans sont parvenus à entrer dans la ville : ils se sont réfugiés dans une mosquée où on les a canonnés. L’assaut a été victorieusement repoussé et l’ennemi a éprouvé de grandes pertes. Elles ne l’ont pourtant pas découragé. On a appris qu’une harka nouvelle était en voie de formation à quelques kilomètres, et c’est alors que le général Lyautey, sortant de la situation d’assiégé pour prendre à son tour l’offensive, a envoyé le colonel Gouraud, avec douze ou quinze cents hommes, disperser une horde beaucoup plus nombreuse. L’affaire a été conduite