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une lettre le comte Alexandre Keyserling. Bismarck a réussi à se mettre en rapports cordiaux avec Léon XIII. Quel prodige ! »

C’est sous l’impression de ce » prodige » que les débats s’engagèrent dans la seconde Chambre du Landtag. Gneist, au nom des nationaux-libéraux, demanda le renvoi du projet à une commission. Sur les bancs conservateurs, on repoussa l’atermoiement : on voulait, tout de suite, voter. De même, sur les bancs du Centre : Windthorst, très digne, ne fit entendre que de courtes phrases ; elles signifiaient que le Centre, respectueux des décisions de Rome, y conformerait ses votes. Le national-libéral Cuny chicana, fit observer que l’autorisation enfin donnée par le Pape s’appliquait seulement aux « cures présentement vacantes. » Alors Bismarck se leva pour défendre Léon XIII. « Dans le Pape régnant j’ai confiance, » affirma-t-il tout de suite. Des paragraphes législatifs, c’était, à l’entendre, fort peu de chose, rien de plus que « des lettres mortes, des récipiens, susceptibles de se remplir de lait ou de venin : » l’essentiel, c’était qu’il y eût de la bonne volonté, entre les deux parties que ces paragraphes rapprocheraient. Bismarck redemandait aux esprits de redevenir pacifiques : cela valait mieux, que de chercher entre l’Eglise et l’Etat une formule de frontière, idéale, introuvable. En passant, il attaquait les progressistes, insinuant que l’achèvement du Culturkampf serait pour eux une mauvaise affaire ; et puis il proclamait qu’il comptait sur ses compatriotes catholiques, « pour élever un temple de paix sur les ruines des lois de Mai. » Il pouvait affirmer que ce qu’on démolissait aujourd’hui n’avait pas de valeur. Il parlait, en homme qui la connaissait dans tous les coins, de cette bâtisse qu’il allait mettre à bas. Il indiquait même que si plus tard on voulait en réédifier une du même genre, il faudrait que les lois eussent une « allure plus politique, moins juridique : » c’était une critique implicite à son ancien collaborateur Falk, et l’on ne pouvait trouver étonnant qu’un architecte qui allait démolir son œuvre, parce que manquée, rejetât sur le maître-maçon la responsabilité de l’échec. Bismarck insista pour que sans polémique le Landtag votât.

« En somme, vous capitulez, lui signifia brutalement le progrossiste Richter ; toute votre habileté n’a guère consisté qu’à accabler le Pape de flatteries et à rabaisser le Centre pour le brouiller avec Rome. — Et vous, riposta Bismarck, vous êtes le