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et Torgout Reïss, mais, grâce à sa vitesse très supérieure, l’Averoff se portera sur l’avant de cette dernière ligne, — il barrera le T, pour employer l’expression consacrée en pareil cas, — et accablera le bâtiment de tête des coups de ses 4 canons de 234 millimètres et des 4 de 190 qu’il peut présenter par le travers.

J’ajoute qu’à tort ou à raison (car il est très difficile de savoir exactement où en sont les Turcs au point de vue de l’utilisation des bâtimens torpilleurs), j’ai plus de confiance dans l’efficacité des destroyers hellènes que dans celle des destroyers ottomans, en dépit de ce qu’ils ont pu garder de personnel « européen. »

Les torpilleurs, petits ou grands, sont les brûlots des anciennes guerres navales, et l’on sait que les Grecs excellèrent toujours dans le maniement de ces engins.

« Mais enfin, m’objectera-t-on peut-être, quel avantage essentiel les Hellènes ou, pour mieux dire, les alliés balkaniques eussent-ils retiré, dans leur attaque des lignes de Tchataldja et dans leur entreprise finale sur Constantinople, des opérations maritimes, résolument offensives que vous préconisez, et qui, après tout, eussent fait courir à l’escadre grecque des risques fort sérieux ? »

Sans parler de l’effet moral, — et j’en pourrais parler cependant, car enfin c’est là un de ces « impondérables » dont l’importance, à la guerre, ne saurait être discutée, — il suffit de jeter les yeux sur la carte[1] pour trouver immédiatement la réponse à cette question.

En effet, tant qu’une force navale grecque n’a pas pénétré dans la mer de Marmara, les renforts venus par mer aux alliés ne peuvent descendre qu’à Enos ou dans le golfe de Saros, au Nord et en dehors de la presqu’île de Gallipoli ; ils ne sauraient donc suivre d’autre route que celle de Kesham, Malgara, Rodosto, Eregli et Silivri. Arrivés là, ils se joignent sans doute à l’aile droite bulgare, mais, pas plus qu’elle, ils ne peuvent tourner la gauche des lignes de Tchataldja, puisque celle-ci s’appuie à la mer et à une division de navires turcs.

La situation change complètement dès que l’escadre grecque a forcé les Dardanelles. A supposer même qu’après avoir, comme je l’ai dit, paralysé et détruit les batteries de la côte d’Europe en les prenant à revers, les Hellènes n’aient pas pu faire passer

  1. Voyez le croquis ci-joint.