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REVUE. — CHRONIQUE.

Quand nous disons qu’il y a eu détente sur un point important, on comprend qu’il s’agit du conflit pendant entre l’Autriche et la Serbie. L’Autriche a fait des armemens dont il faut se garder d’exagérer l’importance ; les journaux autrichiens se plaignent qu’on l’ait fait et cela sans preuves suffisantes ; ils protestent qu’il ne s’est jamais agi d’une mobilisation véritable. Nous le voulons bien et, s’il y a eu mobilisation, nous croyons en effet qu’elle a été partielle : il n’en est pas moins vrai que l’effort a été considérable et que l’Autriche a augmenté dans des proportions très sensibles les forces qu’elle a l’habitude de maintenir sous les drapeaux en temps de paix. Que cet effort lui impose de lourdes charges, la preuve en est dans l’emprunt qu’elle vient de faire en Amérique à un taux qu’on peut qualifier d’onéreux et qui dépasse de beaucoup celui auquel les grandes nations européennes ont l’habitude d’emprunter. L’Autriche, évidemment, n’a pas fait tout cela pour rien : pourquoi donc l’a-t-elle fait ? A en juger par la gravité de la manifestation, on a pu craindre qu’elle n’eût des vues très étendues. Ses journaux ont expliqué que la Russie avait commencé, qu’elle avait armé la première et que c’étaient les armemens russes qui avaient rendu nécessaires les armemens austro-hongrois. Ils l’ont dit, mais personne ne l’a cru. On sait fort bien que si la Russie a pris quelques mesures de précaution, ces mesures n’ont jamais eu un développement tel qu’on ait pu s’en préoccuper. Nous ne savons pas ce qu’il en sera de l’avenir ; les circonstances en décideront ; mais jusqu’ici, il n’y a aucune analogie entre les mesures prudentes de la Russie et les armemens inquiets et inquiétans de l’Autriche et, s’il y en a une un jour, ce sera parce que les seconds auront influé sur les premières.

Nous ne sommes d’ailleurs pas de ceux qui se sont plus ou moins courroucés contre l’Autriche au sujet des dispositions qu’elle a prises et qu’elle était parfaitement en droit de prendre. Quel que soit l’intérêt que méritent les États balkaniques et que nous ressentons sincèrement pour eux, notamment pour la Serbie, puisque c’est d’elle qu’il s’agit aujourd’hui, l’Autriche-Hongrie avait, elle aussi, des intérêts à défendre, et si elle n’a pas admis que les résultats infiniment laborieux de la politique de plusieurs siècles fussent mis en cause à la suite des résultats heureux d’une campagne de six semaines, nous laissons à d’autres le soin un peu puéril de lui en faire un grief. Nous avons dit, il y a un mois, que ses prétentions avouées étaient parfaitement avouables et nous avons ajouté que l’abstention qu’elle avait pratiquée avant et pendant la guerre la renonciation qu’elle