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quelqu’un ; et, sans aucun doute, ils attendaient la milliardaire. En effet, lorsque celle-ci parut sur la porte de la salle à manger, ils firent silence et saluèrent légèrement ; puis leurs yeux la suivirent, tandis qu’elle se dirigeait vers la porte latérale, ouverte sur le pont ; et ils la contemplèrent avec une sorte d’avidité, comme s’ils voulaient photographier inaltérablement dans leur mémoire la femme, les atours et les perles, ces merveilles de l’art et de la nature. Curieux d’entendre ce qu’ils diraient quand elle serait sortie, je restai dans le vestibule sans faire semblant de rien.

— Comme elle est belle ! soupira la Génoise.

Et je ne pus savoir si elle voulait parler de la dame ou de la robe. Mme Feldmann, en raison de sa richesse, était élevée comme une reine au-dessus de la jalousie féminine.

Une autre dame commença l’éloge de la toilette ; et elle entra sur ce sujet dans de minutieux détails, peut-être pour montrer qu’elle se connaissait en vêtemens de grand luxe et de haut prix. Sur quoi, le joaillier intervint.

— Le vêtement n’est rien, déclara-t-il. Mais les perles !... Ah ! ces perles, ces perles ! Sûrement, elles ont appartenu à quelque rajah hindou. Des perles comme celles-ci, on n’en voyait autrefois que chez les souverains de l’Inde !


X

Une demi-heure après, tandis que je me promenais sur le pont avec le docteur, survint la belle Génoise qui me pria de demander à Mme Feldmann si elle consentirait à jouer un peu de musique de danse.

— Volontiers, répondis-je. Mais où est-elle ?

— Là-haut, dans le salon ; et elle touche du piano. N’entendez-vous pas ?

Il nous arrivait en effet du salon, par ondes légères et intermittentes, des fragmens de mélodie. Je quittai le docteur, montai au salon avec la Génoise et communiquai à l’auguste dame l’humble requête de ses admiratrices et de ses admirateurs. Elle consentit ; et aussitôt quelques couples commencèrent à tourner en cadence, sur un air de valse, tandis que je rejoignais l’amiral dans un coin.

— Comme elle est fraîche, tranquille et gaie ! lui murmurai-je